Affirmation n Le bilan définitif des attaques djihadistes inédites menées hier, lundi dans la ville tunisienne de Ben Guerdane, est de 36 extrémistes, 12 membres des forces de l'ordre et 7 civils tués. Après une première incursion sur le territoire tunisien, la semaine écoulée, un groupe terroriste venu de Libye a lancé des attaques à Ben Guerdane hier lundi. Le scénario est toujours le même. À bord de voitures 4x4, des hommes armés franchissent la frontière entre la Libye et la Tunisie de nuit et ciblent au petit matin des institutions sensibles, tels des hôpitaux et des bâtiments sécuritaires. Cette fois-ci, ils avaient en ligne de mire une caserne militaire de la région de Jallel et le district de sûreté de la Garde nationale de la ville à Ben Guerdane, à 30 kilomètres du poste frontière de Ras El-Jdir. Les premières données montrent que les terroristes obéissaient à une stratégie bien précise. Ils ont opéré, à cinq heures du matin, deux attaques simultanées au nord et au sud de la ville. Au préalable, ils avaient tiré sur les véhicules croisés sur leur route et occasionné la mort d'un douanier et d'un garde national. Comme le groupe qui est intervenu le 3 mars, les terroristes sont tous des Tunisiens qui ont fait leurs armes au sein de Daech. En multipliant les provocations et les intimidations, les djihadistes montrent leur détermination à intervenir en Tunisie d'autant que des sources libyennes assurent que Daech voudrait profiter de la situation de précarité du Sud tunisien pour faire de Ben Guerdane, l'un de ses fiefs. Une manière d'étendre physiquement son influence, d'échapper à la pression d'une intervention de la coalition internationale et d'élargir à la Tunisie une zone de conflit, actuellement centrée en Libye. Dans tous les cas, les complicités locales, notamment celle des réseaux de contrebande, sont nombreuses. C'est l'annonce faite ce mardi matin, par le Premier ministre tunisien, Habib Essid. Parmi les 12 membres des forces de l'ordre figurent un soldat, un douanier et 10 membres des forces de la sécurité intérieure «dont l'un a été assassiné à son domicile», a précisé M. Essid lors d'une conférence de presse. Il a ajouté que 14 membres des forces de l'ordre avaient en outre été blessés, ainsi que trois civils. Le chef du gouvernement tunisien a par ailleurs indiqué que les assaillants étaient une cinquantaine au total, selon une première estimation, et confirmé que sept d'entre eux avaient été arrêtés. L'annonce du Premier ministre tunisien intervient alors que les forces de l'ordre tunisiennes ratissaient ce matin, encore, la région de Ben Guerdane, théâtre la veille d'attaques terroristes, «L'opération sécuritaire, policière et militaire se poursuit. Le ratissage continue», a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Yasser Mesbah, précisant que dans la ville de Ben Guerdane même la «la situation est stable». Félicitant les efforts déployés par les différents rangs de l'institution sécuritaire, Habib Essid a estimé que la Tunisie a gagné la bataille mais pas la guerre, rappelant que toute guerre engendre des pertes. Lors du point de presse tenu ce mardi, Habib Essid a déclaré que la capture de 7 éléments terroristes lors de l'attaque meurtrière de la ville de Ben Guerdane (gouvernorat de Médenine) la veille, a permis aux unités sécuritaires de découvrir l'existence de dépôts d'armes dans plusieurs endroits de la région. Le chef du gouvernement a précisé que l'institution sécuritaire a reçu davantage d'informations importantes suite aux aveux des terroristes arrêtés et qu'un camion, avec à son bord une grande quantité d'armes, a été saisi. Pour Essid, l'opération de Ben Guerdane impactera positivement le moral de l'armée nationale. Pour Essid, la riposte était instantanée et positive malgré que des personnes sont tombées dans les rangs des unités armées et des citoyens affirmant d'autre part que l'attaque a commencé depuis une mosquée proche de la caserne de Ben Guerdane où une source sécuritaire, a précisé que le bruit d'explosion entendu dans la matinée de ce mardi, était celui de détonation de certaines grenades saisies dans les caches d'armes découvertes dans la ville. La même source a indiqué que cette détonation a été effectuée par l'Armée nationale qui fera exploser d'autres grenades au cours de la journée pour éviter leur explosion automatique. Découverte d'un 4e dépôt d'armes l Un 4e dépôt d'armes a été découvert, ce mardi matin, dans une maison proche de la mosquée Jallel et de la caserne militaire de Ben Guerdane. Le correspondant de Mosaïque FM à Ben Guerdane, gouvernorat de Médenine, a confirmé cette information, précisant que des unités spéciales de l'armée sont en train d'examiner l'arsenal retrouvé dans cette maison, où les terroristes ayant mené l'attaque d'hier contre cette ville frontalière avec la Libye ont caché des armes, des munitions et des explosifs. La maison avait été désertée par ses habitants, hier à l'aube, au moment du début de l'attaque contre la caserne toute proche. Sarra Boukdima : elle n'avait que 12 ans l La photo de Sarra Boukdima, l'enfant de 12 ans tuée hier par des terroristes, à Ben Guerdane, suscite une vive émotion sur les réseaux sociaux. Des milliers d'internautes ont remplacé leur profil sur Facebook par la photo de Sarra, morte à 12 ans, devant le domicile familial, par des balles tirées par l'un des terroristes qui ont tenté, hier, lundi 7 mars 2016, de prendre le contrôle de cette ville frontalière avec la Libye pour y proclamer un émirat de l'Etat islamique (Daêch). Dans un communiqué, publié hier, sur sa page Facebook, le ministère de l'Education a annoncé avec tristesse la mort de l'élève Sarra Boukdima, ainsi que celle de Lassaad Al-Jari, professeur de gestion au lycée Sammar, et présenté ses condoléances les plus attristées à leurs familles et proches. Le ministère a notamment appelé à observer, aujourd'hui, une minute de silence dans les institutions éducatives du pays à la mémoire de toutes les victimes de l'attaque terroriste de Ben Guerdane, qui a fait 18 morts dont 7 civils. Des civils exécutés, une première l Des témoignages d'habitants démontrent que, désormais, les terroristes s'attaquent aux civils. C'est une nouvelle escalade dans le djihad mené sur le sol tunisien. Jusqu'à présent, tous les groupes terroristes (Aqmi, Daech, etc.) ciblaient l'appareil sécuritaire, afin de le casser, et les étrangers, afin que l'économie s'effondre. Les civils étaient épargnés pour, tactiquement, ne pas se mettre à dos l'opinion. Mais, le 12 octobre dernier, un jeune berger fut décapité par la katiba Oqba Ibn Nefâa. Il était accusé de «collaborer avec la police». Afin d'en faire un exemple, cet adolescent de 16 ans a eu la tête tranchée, tête qui fut remise à son cousin âgé de 14 ans, afin qu'il la ramène aux parents du berger. Sept Tunisiens ont été tués par ce groupe armé, qui a fondu sur Ben Guerdane lundi matin. Désormais, ils sont une cible comme les autres. Preuve que la guerre est totale. Il n'y a aucune limite à la violence. «Avec ou contre nous», voici leur credo. Ben Guerdane, le «Wall Street» des contrebandiers l Si la situation a récemment changé, Ben Guerdane a longtemps été une vitrine du commerce informel. Profitant de l'effet d'aubaine créé par la crise en Libye, capos et barons de l'illicite ont prospéré grâce à la porosité des frontières. La construction en juillet-août dernier d'un mur accolé à un fossé a permis de compliquer la vie aux hors-la-loi. Du commerce d'essence aux produits alimentaires, du textile aux détergents, on pouvait tout acheter, tout commander (même des voitures) dans cette ville située à seulement 33 kilomètres de la frontière libyenne. Une ruelle abritait des bureaux de change dignes du Far West. On pouvait y échanger des liasses de devi-ses en toute illégalité. L'Etat a commencé à mettre de l'ordre dans ce marché parallèle, ce qui n'a rien d'une sinécure dans cette zone frontalière avec une Libye rongée par les guérillas entre milices, clans et tribus. Depuis hier matin, Ben Guerdane est devenue une proie pour les djihadistes. Qui se sentent suffisamment puissants pour lancer un assaut de cette ampleur. Les opérations de ratissage se poursuivent à la recherche des tueurs qui se sont enfuis.