Au moins 35 jihadistes, 10 membres des forces de l'ordre et sept civils ont été tués lors d'attaques simultanées sans précédent, à l'aube de ce lundi, en Tunisie, à Ben Guerdane, une ville proche de quelques kilomètres de la frontière libyenne. La riposte des unités sécuritaires et militaires a permis de neutraliser 34 terroristes dans des attaques synchronisées contre les postes de la Garde nationale, de la police ainsi que la caserne militaire. Le communiqué commun des ministères tunisiens de l'Intérieur et de la Défense évoque un bilan provisoire et ne donne pas encore les circonstances exactes de la mort des sept civils, dont un adolescent de 12 ans, enregistrée lors de cette incursion armée. Plus tôt, le ministère de la Défense a indiqué qu'un soldat avait péri dans les affrontements ayant suivi les attaques et une source hospitalière avait rapporté la mort de deux agents de sécurité. Le ministère de l'Intérieur affirme que les attaques menées ont été déjouées alors que des patrouilles de l'armée «se sont déployées dans la ville de Ben Guerdane et ont sécurisé ses accès». Si le nombre des assaillants impliqués n'a pas été précisé, des opérations sont toujours «en cours pour pourchasser les terroristes». Comme premières conséquences de ces attaques, le gouvernement tunisien, et outre la fermeture des postes-frontières pour une durée indéterminée, a décrété, hier, un couvre-feu nocturne à Ben Guerdane après la réunion entre le président de la République tunisienne Béji Caïd Essebsi et le chef du gouvernement Habib Essid pour examiner les mesures pour sécuriser les régions frontalières au sud du pays. Rappelons que les postes frontaliers avaient déjà été fermés l'automne dernier, durant 15 jours, après l'attentat suicide contre la sécurité présidentielle à Tunis qui a fait 12 morts, revendiqué par l'Etat islamique (Daech). La fermeture de tous les accès à la ville et à l'île de Djerba ainsi que la route côtière reliant Ben Guerdane à Zarzis et le poste frontalier de Ras Jedir a été également décidée. Ces attaques surviennent moins d'une semaine après une opération menée par les forces de sécurité à Ben Guerdane où ils ont abattu cinq hommes armés, venus de Libye, et retranchés dans une maison et récupéré un arsenal d'armes dont des Kalachnikov, des ceintures explosives et des grenades artisanales. Malgré que les autorités aient récemment achevé la construction d'un «système d'obstacles» sur près de la moitié des 500 km de frontière commune avec la Libye et le renforcement des patrouilles terrestres et aériennes, le long de cette bande frontalière, la Tunisie appréhende fortement un afflux massif des combattants de l'EI en cas d'intervention militaire de la coalition anti-Daech en Libye. En février, un bombardement américain a visé, près de Sabrata en Libye, un camp d'entraînement de combattants et avait fait une cinquantaine de morts dont Noureddine Chouchane, un Tunisien décrit comme un cadre opérationnel de Daech et qui serait derrière les attaques contre le musée du Bardo à Tunis (22 morts) et celle de Sousse (38 morts). Le nombre de combattants de l'organisation terroriste présents en Libye diffère d'une estimation à une autre. De 3000 à 3500, selon les hypothèses les plus conservatrices, de 8.000 selon le gouvernement tunisien et de 5000 à 5500 selon Alger. Ludovico Carlino, analyste chez un cabinet américain d'expertise économique, estime que si un tel effectif ne permet pas encore à Daech de contrôler effectivement un territoire étendu, il n'en demeure pas moins que le plus inquiétant est cette «rapidité particulière avec laquelle l'organisation, en profitant du vide de pouvoir institutionnel, s'est développée sur le territoire libyen pendant la dernière année». Et pour preuves, il précisera qu'en «un an, on est passé de la présence d'un ou deux camps d'entraînement au contrôle de sept-huit villes» prédisant que «le nombre de militants actuel redouble au cours des dix prochains mois».