En Algérie aussi, le stress est le mal de siècle : le mot, d'origine anglaise, nous est parvenu par le français et on l'emploie à tout bout de champ pour caractériser nos angoisses, notre mal de vivre et, d'une façon générale, tout fait ou toute situation qui nous agresse ou nous traumatise ! Le stress un fourre-tout. C'est en fait son sens originel, en anglais : effort intense, tension. Rani m?strissi (je suis stressé) signifie «je suis sous tension, je sens comme une étreinte, une pression». Le stress, s'il est avant tout psychologique, a aussi des effets physiologiques que traduit le verbe mekhnug, littéralement «être étranglé». C'est cette sensation d?avoir une boule dans la gorge, de sentir une sorte de couvercle peser sur sa poitrine. La pression peut-être forte au point qu'on a l'expression d'éclater : rani rayeh' nnet'erteg (je vais exploser) ! Le stress peut être moins fort et se manifester juste par le sentiment d'être prisonnier, de ne pouvoir s'exprimer ou de faire ce que l'on veut : on pleure, on plonge dans la mélancolie, on se morfond sur son sort. C'est le d'iq, terme signifiant au propre «étroitesse, rétrécissement, exiguïté». Le d'iq moral est comme le d'iq physique : l'espace où l?on évolue est tellement réduit au point qu?on ne peut pas se déplacer, on est quasi immobilisé. Ce degré de stress, s'il n'est pas résolu, évolue vers l'agressivité ou la nervosité : nervaza dit-on en arabe, aussi bien dialectal que littéraire. Ma t'ahdarch m'aya, rrani mnervez (ne parle pas avec moi, je suis énervé). Mnervez (nerveux) peut être un état passager causé par une situation donnée, mais il peut être également un état permanent et signifier qu'on souffre de dépression nerveuse. A propos de dépression, le mot est également passé en arabe dialectal : diprimi, mdiprimi (déprimé) avec le sens originel de «découragé, abattu» mais aussi de «stressé» ; il est vrai que la dépression provoque, comme le stress, l'anxiété et le dégoût de la vie.