Résumé de la 10e partie n La fillette commençait presque à reprocher, au fond de son cœur, à sa mère de l'avoir tant aimé. On ne les verra donc plus jamais, ces bourgeois ? répétait Léontine ; me reconnaîtraient-ils encore à cette heure ? Quand elles venaient à la ville apporter leurs paniers de fraises, la petite ne pouvait s'empêcher d'aller rôder sur la promenade à l'entour de la voiture de Nogent. Elle avait appris que c'était par là que venaient les voyageurs de Paris, et l'on eût dit qu'elle attendait toujours je ne sais quoi de ce côté-là. Pierre, le voiturier de Mortagne, a raconté dernièrement à des voisins de chez nous qu'il y a longtemps déjà, il avait trouvé un matin au pied de la côte d'Eperrais, tout à côté du calvaire, une galopine qui tenait un panier de fraises comme ceux-là, et qui lui avait demandé si sa voiture allait à Paris. Pierre, qui aime à plaisanter, lui répondit qu'il y allait, mais par correspondance. – Voudriez-vous point, lui dit la fille, vous charger de porter ça à ma mère de Paris ? – Si tu ne les emballes pas mieux qu'avec une feuille de fougère, il n'y en aura plus une seule dans le panier avant d'arriver au Pin, dit Pierre en riant ; et il fouailla sa bête. Un dimanche que nous sortions de vêpres et que nous causions des marchands de filet, qui ne donnaient plus beaucoup de travail à ce moment-là, elle me dit bonnement : – Moi, j'ai envie d'aller querir de la besogne à Paris ; je suis sûre que je retrouverais bien la maison où j'ai été élevée ; nous ne sommes point heureux chez nous. Je n'osai point lui conter ce que m'avait dit la dame en la quittant ; j'avais peur en moi-même qu'il n'en arrivât mal à la Gardin. Depuis la mort de son homme, ils n'étaient point heureux, c'est vrai ; avec ça, la Léontine était coquette et ne pouvait se passer d'attifements. Une fille qui avait porté des loques de soie jusqu'après sa première communion ne pouvait se contenter, comme nous, de méchante cotonnade ; tout leur pain y passait, et si la pauvre Geneviève en geignait tout doucement : – Il fallait me laisser chez les autres, lui disait la Léontine ; je ne vous plais pas comme ça, eux me trouvaient à leur idée et me comblaient de bien ; il ne fallait pas me reprendre. A suivre Charles-Philippe de Chennevières-Pointel