Le gouvernement intérimaire est «illégitime» et a «un problème de représentativité», a déclaré, hier, Dilma Rousseff, lors de sa première prise de parole depuis sa suspension la veille de la présidence du Brésil, où elle a été remplacée par Michel Temer. «Un gouvernement illégitime a toujours besoin de mécanismes illégitimes pour se maintenir», a souligné Mme Rousseff, au sujet du cabinet de son ancien vice-président et allié, qu'elle considère désormais comme un «traître» en l'accusant d'avoir tiré les ficelles de sa destitution. Mme Rousseff a également critiqué, dans une conférence à la presse étrangère, la composition de ce gouvernement de transition qui a déjà été pointé du doigt car sur 24 ministres il ne comprend aucune femme. «La question du genre est une question de démocratie dans un pays où les femmes sont majoritaires, il y a un problème de représentativité», a souligné l'ancienne guérilléra sous la dictature, réitérant qu'elle «se battra pour revenir» au pouvoir. «Le Brésil a, aujourd'hui, un gouvernement provisoire, par intérim, et une présidente élue par 54 millions de voix. Il y a un gouvernement intérimaire et illégitime du point de vue des votes. Je me battrai pour revenir», a insisté Mme Rousseff dont le mandat se termine fin 2018. L'ouverture de son procès en destitution jeudi, qui a entraîné sa mise à l'écart du pouvoir pour un maximum de 180 jours dans l'attente de son jugement final, est le fruit d'un complot orchestré par le Parlement et les élites traditionnelles, a affirmé une Dilma Rousseff énergique, qui a confié qu'elle resterait active politiquement pour défendre sa position face à la société civile. «Nous devons nous défendre politiquement. Cette défense se fera pour toute la société civile brésilienne et j'ai l'intention d'aller, chaque fois que je serai invitée, expliquer les raisons qui ont conduit à ce procès, avec lesquelles je suis entièrement en désaccord», a-t-elle souligné. «La destitution est frauduleuse, un putsch pour exécuter son programme de gouvernement qui n'a pas été approuvé dans les urnes», a poursuivi Mme Rousseff. Et les femmes ? l Quelques heures après la mise à l'écart de la présidente Dilma Rousseff, un aspect a sauté aux yeux lors de la cérémonie télévisée de présentation des 24 ministres rassemblés autour de M. Temer : il n'y avait que des hommes. Et cette nouvelle équipe marque une rupture d'autant plus frappante qu'elle succède à celle de la première femme élue présidente du Brésil. «C'est un gouvernement d'hommes blancs et assez effrayant», estime Ivar Hartmann, spécialiste de droit civil au centre d'analyses de la Fondation Getulio Vargas. «C'est la première fois depuis la dictature (1964-1985) qu'il n'y a pas une seule femme au gouvernement. C'est inquiétant». Sous la dictature militaire, il faut même remonter à la présidence d'Ernesto Geisel, de 1974 à 1979, pour trouver trace d'un gouvernement entièrement masculin. «Nous avons essayé de trouver des femmes mais, en raison du calendrier resserré, ça n'a pas été possible», a expliqué vendredi un nouveau ministre, Eliseu Padilha. «A une fonction très importante, directeur de cabinet du président, il y a une femme», a-t-il cependant relevé, promettant aussi la nomination de «femmes secrétaires d'Etat, qui auront des attributions de ministres». M. Temer a déclaré dans son premier discours à la nation qu'il était «urgent d'unifier le Brésil». Mais l'absence de femmes au gouvernement a d'emblée insinué un certain scepticisme. Le ministère de la Culture a disparu l Avec l'arrivée au pouvoir de son président intérimaire Michel Temer, le Brésil s'est doté, jeudi 12 mai, d'une nouvelle équipe ministérielle, composée de 23 ministres. Mais la disparition, dans ce gouvernement resserré, d'un ministère pleinement consacré à la culture suscite de nombreuses critiques. Celui-ci est en effet désormais fusionné avec l'éducation, dans un grand ministère.L'association Procure Saber «Cherche à savoir», qui regroupe des artistes, comme les populaires chanteurs Chico Buarque, Caetano Veloso ou encore Gilberto Gil – lui-même ancien ministre de la Culture quand Luiz Inacio Lula da Silva était président –, a écrit une lettre ouverte à l'attention de M. Temer pour critiquer cette décision. Dans ce document, publié vendredi par le journal O Globo, ces personnalités s'émeuvent d'un «grand pas en arrière» «Si le ministère de la Culture perd son statut et dépend d'un ministère qui a une autre priorité (…), on court le risque de perdre toute l'expertise qui s'y est développée au sujet notamment des règlements du droit d'auteur, de la législation sur divers aspects d'internet (comme la reconnaissance et le respect d'organismes internationaux spécialisés), de la protection du patrimoine et du soutien aux expressions populaires. «Selon eux, le ministère «représente le principal moyen pour développer une situation de tolérance et de respect des différences, quelque chose de fondamental dans le moment que le pays traverse».