La présidente brésilienne Dilma Rousseff a été officiellement écartée du pouvoir pour 180 jours, dans l'attente du jugement final lié à sa destitution, qui pourrait intervenir en septembre avec tout ce que cela comporte comme conséquences notamment sur le plan économique, alors que de Brésil s'apprête à accueillir les jeux olympiques d'été. Les sénateurs ont voté à une large majorité de 55 voix (sur 81) l'ouverture formelle d'un procès en destitution de la dirigeante de gauche, accusée de maquillage des comptes publics, au terme d'une session historique entamée mercredi. Mme Rousseff, 68 ans, est par conséquent automatiquement écartée de la présidence pendant un délai maximum de six mois, dans l'attente de l'ouverture de son procès en destitution par le Sénat où un vote des deux tiers (54 sur 81), déjà dépassé jeudi, sera requis pour prononcer la destitution définitive. Celui-ci pourrait intervenir en septembre, entre les jeux Olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août) et les élections municipales d'octobre prochain. Le président du Sénat brésilien, Renan Calheiros, a prévenu que la procédure serait "longue et traumatisante", juste avant l'ouverture de la séance plénière. "La procédure d'impeachment qui est enracinée dans notre histoire est longue et traumatisante, (et elle) ne produit pas de résultats immédiats", a affirmé M. Calheiros. Première femme élue présidente du Brésil en 2010 et réélue en 2014, Mme Rousseff, 68 ans, doit s'exprimer jeudi avant de quitter le palais du Planalto. Le vice-président, Michel Temer, crédité à peine 1% à 2% d'intentions de vote en cas d'élection, va donc probablement diriger le Brésil jusqu'à la fin du mandat en 2018. Ce dernier doit également se prononcer le même jour. Le plus grand pays d'Amérique latine va tourner la page de 13 ans de gouvernement du Parti des travailleurs (PT), entamée en 2003 par l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, qui a présidé au boom socio-économique brésilien des années 2000. Les raisons d'une destitution Officiellement, l'opposition accuse la présidente d'avoir commis un "crime de responsabilité" en maquillant sciemment les comptes publics pour dissimuler l'ampleur des déficits en 2014, année de sa réélection disputée, et en 2015. Mme Rousseff, ancienne guérillera torturée sous la dictature militaire (1964-85), se défend en soulignant que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces "pédalages budgétaires" sans avoir été inquiétés. Certains analystes estiment que tout ce qui se passe actuellement n'est que "lutte de pouvoir". Rousseff en est consciente et le fait savoir. Elle se dit victime d'un "coup d'Etat institutionnel" par Michel Temer. M. Temer, ancien allié de la présidente, est devenu son adversaire lorsque sa formation, le grand parti centriste du PMDB, a quitté fin mars la coalition gouvernementale dominée par le Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir depuis 13 ans, sous les présidences de Luiz Ignacio Lula da Silva (2003-2010) puis de Mme Rousseff (depuis 2010). De grands chantiers attendent le président intérimaire M. Temer va hériter du cocktail explosif qui a conduit au déclin de la popularité de Mme Rousseff: la pire récession depuis les années 1930 et l'énorme scandale de corruption Petrobras (un géant pétrolier brésilien), aux développements judiciaires imprévisibles, qui éclabousse son propre parti au plus haut niveau. M. Temer prépare un paquet de mesures libérales et par nature impopulaires qui pourraient jeter les syndicats dans la rue: ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail. Et par-dessus-tout, il "va hériter en grande partie de l'insatisfaction des Brésiliens contre la politique traditionnelle qu'il incarne", souligne Thiago Bottino, analyste à la Fondation Getulio Vargas. Les marchés, inquiets de la récession historique qui frappe le Brésil, espèrent qu'il répondra rapidement à leurs attentes : ajustement budgétaire, réforme du système des retraites, du droit du travail. M. Temer, qui a lui-même été cité par des inculpés, pourrait aussi voir son mandat cassé avec celui de Mme Rousseff par la justice électorale pour financement illicite par des fonds détournés de Petrobras. Et il risque d'être déclaré inéligible pour huit ans, après sa récente condamnation en appel pour entorse à la loi sur le financement des campagnes électorales. Qu'à cela ne tienne, Temmer va tout de même assumer dans la journée la présidence, probablement jusqu'en 2018.