Drame Depuis que sa femme est décédée, Fatah perd le contrôle de sa destinée. Ses enfants sont éparpillés ici et là. Pourtant, il faut bien vivre sans celle qui leur a donné la vie. Le soir de sa mort, c?est Bahia qui a remonté le rideau du garage à son mari pour qu?il sorte la voiture pour l?accompagner à l?hôpital. «Elle était bien et en bonne santé. Deux jours avant son accouchement, elle avait effectué un contrôle médical à l?hôpital Parnet où elle avait d?ailleurs son dossier et suivait régulièrement ses consultations depuis le début de sa grossesse. Ma femme souriait en me disant qu?enfin elle allait accoucher, que j?étais près d?elle et que tout allait bien se passer», se rappelle Fatah les yeux embués. «Elle parlait de la rentrée scolaire et disait que nous allions acheter à nos enfants les fournitures. Elle s?est photographiée durant la même semaine pour refaire son permis de conduire. Bahia était une femme unique ! On construisait notre villa. Chaque soir, dès que le man?uvre partait, elle m?ordonnait de la faire monter au premier étage pour contrôler l?avancement des travaux. C?était un vrai contremaître ! Elle m?encourageait et me poussait à aller loin.» Lorsque Fatah raconte sa femme, il ne veut plus se taire. Il ressasse tout à la fois. Sa femme était tout pour lui. Ses yeux brillent. La passion se dessine sur son visage. Tout commence et s?arrête à Bahia. «Tellement je l?aimais, je parlais d?elle sans cesse au bureau et partout. C?était une femme admirable et exceptionnelle !» Bahia, une licenciée en interprétariat, est une femme qui explosait de vie. Joyeuse, optimiste, courageuse et persévérante, c?était une personne ambitieuse et pleine de projets, un vrai boute-en-train. «Je ne peux l?oublier. C?est dur, surtout le soir, dès que la nuit tombe, j?ai peur. J?ai essayé de me rappeler le mal qu?elle m?avait fait pour arriver à la haïr, à me faire une raison. C?est terrible ! Bahia ne m?a jamais fait de mal.» Depuis qu?elle est morte, Fatah ne sait plus vivre. Son existence n?est plus la même. Le monde s?est écroulé sous ses pieds. «C?était ma confidente, mon amie. Bahia était tout pour moi. Aujourd?hui, je n?arrive pas à admettre sa mort, on me l?a volée.» Difficile pour lui de parler. Sa voix trahit cette envie folle de sangloter comme un môme abandonné. «Ils ont détruit ma vie et ils n?en sont pas conscients. Le nouveau-né, Mohamed-Imad, le prénom qu?elle lui a choisi, vit chez sa tante, Mounir est chez mes parents. Et les deux autres gosses sont avec moi. Qui va s?en occuper ? Jusqu'à quand ma famille sera là ? Ils m?ont tout pris. Je ne sais plus quoi faire. Je me livre à vous, car je suis perdu. J?ai mal partout», confie-t-il encore. - «Ma femme est vivante. Depuis qu?elle est morte, je la sens partout. Dans la voiture, la chambre, la maison. Elle est présente. Bahia est là, mais on lui a ôté la vie», raconte Fatah avec émotion. «Oui, elle est là, j?ai l?impression qu?elle n?a jamais quitté la maison. Vous comprenez, je la ressens partout où je vais.»