Souffrance n Le pouce amputé, Bahia, 40 ans, vit toujours enchaînée et nue depuis 21 ans. Et près d'une année après notre découverte, sa situation dramatique n'a pas changé d'un iota. Le nouveau ? Elle a le pouce amputé depuis près de 2 mois. Elle dort toujours dans le garage qui exhale des odeurs nauséabondes car Bahia fait ses besoins sur place. La marâtre, ne dépassant pas la quarantaine, nettoie rapidement les lieux sans pouvoir masquer les odeurs, ni les traces de «selles» sur les mains et le visage de Bahia et lui enfile une robe longue. «Depuis que l'Etat a eu vent, à travers la presse, du cas de Bahia, l'action sociale a fait son enquête sur place. On nous a donné, ce jour-là, le couffin du ramadan et on lui a trouvé une place à l'hôpital psychiatrique de Blida. Mais nous ne l'avons pas laissée là-bas car elle a été placée avec des «fous». Bahia n'est pas agressive, elle a l'âge mental d'un enfant de 5 ans. Mon père a refusé, lui aussi, de la laisser là-bas», nous a révélé son frère aîné Abdelkader, (50 ans), les larmes aux yeux. Bahia, selon lui, a besoin d'une surveillance constante car elle cherche toujours à sortir de la maison, elle déchire, encore, à ce jour, tous les vêtements qu'elle porte, elle effiloche même, selon sa marâtre, les couvertures en période de froid. Aujourd'hui, elle dort directement sur un sommier en bois au lieu de celui en fer de l'année dernière sans matelas ni couverture. Un sommier qui lui a causé l'amputation du pouce de la main gauche depuis un mois. «A force de déchirer tout ce qu'elle porte sur elle et, en grattant son sommier, un bout de bois est entré dans son doigt et m'en étant aperçu trop tard, il a fallu l'amputer du doigt à l'hôpital de Douéra», nous a expliqué Abdelkader qui nous assure que ni lui ni son père, âgé de 81 ans, n'ont voulu du mal à Bahia. «C'est pour la protéger que nous l'avons enchaînée. Nous ne voulons pas la voir circuler dans la rue toute nue pour servir d'appât à des gens sans foi, ni loi », a-t-il repris. Le frère aîné demande que sa sœur soit aidée. «J'aime ma sœur, ni mon vieux père, ni moi-même ne pouvons faire mieux pour sa prise en charge. L'Etat ou les âmes charitables peuvent nous aider à lui construire une grande chambre avec une douche et des toilettes au lieu de ce garage, lui fournir aussi des couches pour adultes pour qu'on puisse améliorer son hygiène », souhaite-t-il. Pour rappel, InfoSoir a déjà publié un article sur Bahia dans son édition du 10-11 octobre 2007, 3 jours avant l'Aïd. Il avait beaucoup touché les lecteurs ce jour-là, car nous les avions informés que Bahia a été victime d'un accident domestique à l'âge de 1 an lorsque son frère, enfant, l'avait poussée dans une marmite bouillante. «Elle déchire ses vêtements et les couvertures avec les dents, elle jette tout ce qu'elle trouve devant elle et casse tout ce qui lui passe entre les mains. Elle buvait de l'essence et mettait sa bouche dans la bouteille de butane pour aspirer le gaz. Elle s'arrache les cheveux aussi. Bahia sortait toute nue dans la rue au point qu'un jeune sans foi ni loi a tenté d'abuser d'elle», ce sont-là les propos de son frère et de ses proches rapportés dans notre précédente édition pour expliquer les raisons qui les ont poussés à l'enchaîner. Bahia, quand seras-tu libérée de tes chaînes ? n A force de nous parler de sa sœur Bahia, Abdelkader a oublié, il y a un an, de nous parler de sa fille «Zohra» âgée aujourd'hui de 3 ans et de sa femme dépressive. Zohra est handicapée moteur à 100% et souffre d'une insuffisance mentale. Elle a souvent des convulsions répétées raison pour laquelle elle est sous dépakine (traitement anticonvulsif). Nous laissons «Bahia» enchaînée dans son garage pour entrer dans la petite chambre de Abdelkader. Construite en parpaing et en tôle, la chambre est trop chaude pourtant elle ne contient que 2 matelas par terre et une petite armoire. La petite Zohra a convulsé ce jour-là et elle est près du ventilateur qui n'est jamais éteint selon la maman qui n'arrête pas de nous montrer des photos, et les traitements qu'elle prend pour se calmer. «ma femme est dépressive à cause de cette situation et surtout à cause de sa fille», nous explique Abdelkader. «J'ai refusé d'avoir d'autres enfants de peur d'avoir d'autres handicapés. Pourtant, j'ai un enfant normal de mon premier mariage», nous révèle sa femme en pleurant. «Je suis démuni et sans travail. Je suis en bonne santé et je suis capable de faire n'importe quoi pour faire vivre ma famille ne serait-ce qu'agent de sécurité la nuit», conclut Abdelkader.