Résumé de la 11e partie n L'ogre se douta que Martine et sa mère étaient de mèche… Et, sans vouloir entendre à rien, il commanda qu'on l'enchaînât de l'autre côté de la cloche. Martin et Martine passèrent une année ainsi, exposés à toutes les injures de l'air. Sous les feux du soleil, le visage de la jeune fille finit par devenir presque aussi brun que celui de son compagnon. On remarqua, comme une chose merveilleuse, qu' au fur et à mesure que son teint se bronzait, ses traits paraissaient plus fins et plus réguliers. Son âme montait, pour ainsi dire, à fleur de peau et s'épanouissait sur sa figure. La douce majesté du sacrifice rayonnait à son front comme une auréole. La pauvre fille souffrait bien moins de son dur supplice que de la souffrance de Martin. Séparée de lui par l énorme cloche, elle ne pouvait le voir ni même lui parler. A peine les infortunés essayaient-ils d échanger un mot, qu'apparaissait la face patibulaire de Riboulet. Le dévouement de Martine avait profondément touché le jeune prince, et maintenant il l'aimait autant qu'il en était aimé. Peut-être aussi leur éternelle séparation y entrait-elle pour quelque chose. Les mynheers de Cambrai contemplaient les deux victimes en fumant leur pipe et, bien qu' épaissis par la bière, ils se sentaient émus de pitié et ne pouvaient s' empêcher de les plaindre. Ils tentaient même quelquefois d'implorer la grâce des coupables, mais M. le bourgmestre répondait invariablement par ces mots, que lui avait soufflés son greffier : «Ma fille est libre. Qu' elle consente à revenir chez son père et sur-le-champ je brise ses chaînes !» Bientôt on s' habitua tellement à ce spectacle qu' on cessa d'y prendre garde, et le plus clair résultat de la jalousie du grand Guillaume fut qu' à dix heures précises tous les cabarets se vidaient, comme par enchantement, au son du couvre-feu. Seule, la mère de Martine ne pouvait s'accoutumer au supplice de sa fille, et, tout ogre qu il était, son mari aurait fini par céder à ses pleurs, sans la détestable influence qu' il subissait. Mais un jour vient où tout se paye, et le grand Guillaume ne devait point le porter en paradis. Il prit, un beau matin, fantaisie à Cambrinus de rendre visite à sa bonne ville de Cambrai. En passant sur la place, il entendit sonner la cloche et leva la tête. Il fut très étonné d' apercevoir sa filleule. «Qu'est-ce que tu fais donc là ? lui dit-il. — Hélas ! mon parrain, vous avez devant vos yeux deux bien malheureuses créatures !» A suivre