En Algérie, le pain est resté, en dépit de l'évolution des traditions alimentaires, l'aliment de base, voire l'aliment par excellence. Son nom générique est lkhobz en arabe et aghrum en berbère, avec des noms spécifiques pour chaque variété : kesra pour la galette non levée, mat'luê et tamethunt pour la galette levée, etc. Aujourd'hui, on a tendance à utiliser le mots khobz pour désigner le pain de boulangerie et les noms des variétés pour les pains traditionnels, bien que l'on dise aussi, notamment à Alger, khobz ddar (pain de maison) pour la galette. En berbère, c?est aghrum qui désigne la galette et Ikhobz le pain de boulangerie. Un aliment aussi important ne peut que tenir une place importante dans la langue. Pour dire «gagner sa vie», on dit, comme en français «gagner son pain», «ss'ewwar khbez-tu». De quelqu'un qui vit dans la misère, on dit «mechtaq khubza» (il désire le pain) ; à l'inverse, on dit d'un riche «chba?â lkhobz» (il est rassasié de pain). Cette dernière expression est également employée pour dire de quelqu'un, qui, oubliant ses origines modestes, fanfaronne, joue au riche ou alors manque de modestie. En kabyle, on emploie l'expression «ya'âya degs waghrum», littéralement «le pain en a assez de lui» de celui qui ne se contente pas de ce qu'il a, visant plus haut et risquant, du coup, de tout perdre. Le pain, c'est la subsistance : les gens d'Alger disent que Sidi Abderrahmane, leur saint patron, assure à qui vient dans la ville, avec foi et innocence, son pain : «I'aïch b khobza w bas'la» (il vivra d'un pain et d'un oignon). Le pain est respecté, est sacralisé même : il faut dire B-ism Ellah (au nom de Dieu), quand on le prend et le coupe et, si par mégarde on le laisse tomber, on le reprend aussitôt, on le nettoie, on l'embrasse et on le porte au front en disant : «Ya Rebbi, ma-tqis-nach !» (Dieu, ne nous envoie pas le malheur). C'est que le pain, fruit du travail et de la peine de l'homme, est un don de Dieu.