Résumé de la 112e partie n L'air malheureux, obstiné, Maude répéta à la barre l'histoire qu'elle avait racontée à Jenny. Erich témoigna. Les questions furent brèves, respectueuses. «Monsieur Krueger, étiez-vous chez vous le soir du lundi 9 mars ?» «Aviez-vous fait part à votre femme de votre intention d'aller peindre dans votre chalet ce soir-là ?» «Saviez-vous que votre femme avait été en contact avec son ex-mari ?» On aurait dit qu'il parlait d'une inconnue. Il répondit avec détachement, pesant ses mots, sans émotion. Assise au premier rang, Jenny le regardait intensément. Pas une seconde, il ne tourna les yeux vers elle. Erich, lui qui avait déjà horreur de parler à quelqu'un au téléphone, Erich, l'un des êtres les plus réservés qu'elle eût jamais connus, qui s'était éloigné d'elle à cause de l'appel téléphonique de Kevin et de leur rencontre. L'enquête prit fin. En récapitulant les faits, le médecin légiste déclara qu'une sévère meurtrissure sur la tempe droite du défunt pouvait être due au choc de l'accident, ou lui avoir été infligée préalablement. Le verdict officiel fut : mort par noyade. Mais, en quittant le palais de justice, Jenny n'ignora pas le verdict prononcé par les gens du pays. Pour le moins, elle était une femme qui avait rencontré son ex-mari en cachette. Au pire, elle l'avait assassiné. Pendant les trois semaines qui suivirent l'enquête, les dîners avec Erich se passèrent tous de la même façon. Il ne lui parla plus jamais directement, s'adressant uniquement aux enfants. Il disait : «Demande à Maman de me passer le pain, ma Puce.» Sa voix était toujours aussi chaude et affectueuse. Seule une oreille attentive aurait pu saisir la tension qui régnait entre eux. En montant coucher les enfants, elle ignorait toujours s'il serait encore là quand elle redescendrait. Où se rendait-il ? Au chalet ? Chez des amis ? Elle n'osait le questionner. S'il dormait à la maison, c'était dans la chambre du fond que son père avait occupée pendant tant d'années. Elle n'avait personne à qui parler. Pourtant, elle se disait qu'il finirait par s'adoucir. Elle le surprenait parfois en train de la regarder avec tant de tendresse qu'elle devait se retenir de le prendre dans ses bras, de le supplier de croire en elle. Elle déplorait en elle-même la vie gâchée de Kevin. Il aurait pu faire tant de choses ; il avait du talent. Si seulement il s'était astreint à une discipline, s'il n'avait pas eu tant d'histoires avec les femmes, s'il avait moins bu. Mais elle ne s'expliquait pas comment son manteau pouvait s'être trouvé dans cette voiture. Un soir, elle découvrit Erich attablé dans la cuisine devant une tasse de café. «Jenny, dit-il, il faut que nous ayons une conversation.» Elle s'assit, ne sachant exactement si elle éprouvait un sentiment de soulagement ou d'anxiété. Après avoir mis les filles au lit, elle avait pris une douche et enfilé la chemise de nuit et la robe de chambre que lui avait autrefois données Nana. Elle vit Erich l'examiner. A suivre