Constat - Quel rapport y a-t-il entre la littérature et le cinéma ? Telle était la question soulevée lors d'une rencontre à la librairie de l'ANEP Chaïb-Dzaïr. La conférence avait pour thème : «Littérature et adaptation cinématographique». Et de l'avis des professionnels, à l'instar du réalisateur Ahmed Rachedi et du romancier Mohamed Maârfia, cette question – l'œuvre littéraire et son adaptation au grand écran – continue à se poser aujourd'hui. «L'adaptation cinématographique des œuvres littéraires demeure problématique», a-t-on estimé. Car elle est considérée par certain comme «vol ou détournement d'œuvre». On estime toutefois que «c'est un lien de rencontres parfois conflictuelles mais souvent fécondes entre cinéma et littérature». Cependant, tous sont unanimes à dire que «le cinéma réinvente les œuvres littéraires», et que «ces deux univers se nourrissent l'un l'autre». Les deux conférenciers, Ahmed Rachedi et Mohamed Maârfia, ont expliqué que la littérature et le cinéma sont deux genres qui sont considérés comme «un couple un peu particulier», car il y a des fois une trahison et une infidélité entre le cinéma et la littérature écrite. On estime que le rôle du scénariste est de veiller sur le respect de l'œuvre littéraire en la transposant au grand écran. «Le scénariste doit garder le même esprit du texte originel et sans le trahir», a-t-on noté. Mais peut-on en être fidèle ? Si certains scénaristes estiment qu'il faut fidèlement porter l'œuvre littéraire à l'écran, d'autres en revanches disent qu'il faut librement adapter cette dernière. D'où d'ailleurs les rapports particuliers entre la littérature et le cinéma, rapports relevant de la querelle et du malentendu. Lors d'un colloque consacré à Mouloud Mammeri (il avait pour thème : «L'oeuvre mammérienne revisitée à l'aune du 7e Art »),qui a eu lieu au mois de mai à Oran dans le cadre de la célébration du centenaire de la naissance de cet auteur, Mohamed Bensalah, cinéaste et enseignant à la faculté des langues étrangères de l'Université Oran 2, avait souligné : «On demande au film d'être scrupuleusement fidèle à l'œuvre dont il s'inspire, alors que le passage d'un langage à l'autre s'accompagne nécessairement d'une transformation, fruit de la rencontre profonde de deux créateurs». Il avait rappelé, dans ce sens, que Mouloud Mammeri, interrogé à propos de son roman «L'Opium et le bâton», adapté à l'écran par Ahmed Rachedi, disait : «Je n'attends pas une translation fidèle, les choses ne pouvant se dire que différemment au cinéma. Rachedi a suivi très fidèlement le roman», indiquant par là que «le roman et le film sont deux langages différents». Mohamed Bensalah avait, en outre, estimé : Un texte porté à l'écran cesse d'appartenir à la littérature, car les mots performés par un acteur entrent en relation avec les autres composantes du langage filmique (décor, cadrage, le découpage...).» Concernant l'adaptation des textes littéraires algériens au cinéma, Mohamed Bensalah a indiqué qu'elle est rare.«El Hariq», feuilleton télévisé de Mustapha Badie, adapté à partir de la trilogie de Mohamed Dib, «Le Vent du sud» de Benhadouga, adapté par Slim Riad, «L'Opium et le Bâton » et «La Colline oubliée» de Mammeri, adaptés à l'écran respectivement par Ahmed Rachedi et Abderrahmane Bouguermouh et «Morituri» et «Ce que doit le jour à la nuit» d'Yasmina Khadra, portés à l'écran par Touita Okacha et Alexandre Arkadi, constituent des exceptions, selon Mohamed Bensalah qui avait déclaré qu'«il est temps de faire table rase des clichés tenaces concernant les rapports entre la littérature et le cinéma et d'abolir les frontières entre les arts».