Il y a 8 ans qu?il a quitté Larbâa. Il a fui la violence d?un père ivrogne et d?une mère soumise et battue qui le battait à son tour. Une enfance douloureuse encore vivace et que toutes ces années d?errance ne semblent pas pouvoir effacer un seul instant. Le «Pas de chance» tatoué sur la phalange de son pied droit parle de tout le désespoir et de l?amertume de sa jeunesse qui a grandi sur les trottoirs crasseux de la ville blanche. Grâce au suivi psychologique de la fondation et de la présence du «Cheikh», Adel va de temps à autre voir ses parents alors qu?il y a deux ans, il refusait catégoriquement de le faire. «Je rentre à la maison quelquefois pour y passer une semaine ou un mois et rejoindre juste après la rue pour m?y abriter pendant 2 ou 3 mois, selon mon inspiration. La situation s?est stabilisée à la maison, plus de problèmes et puis moi aussi j?ai grandi», confie-t-il, les yeux rivés sur l?oued. Il nous raconte son enfance indocile à Larbaâ où il nageait dans un autre oued, plus grand que celui-là. Tout de suite après il nous confie : «J?ai appris à humer le diluant lorsque j?ai fugué la toute première fois à Alger. J?y suis devenu dépendant à force d?en prendre. Il y a près d?une année, j?ai été hospitalisé pendant trois mois à Blida, j?ai failli perdre la vue. Je ne pouvais ni voir ni même marcher. C?était horrible. Depuis je ne respire plus de diluant. Je fume des joints le plus souvent.» Après tant d?exil et de solitude et de séparation d?avec les siens, notre jeune orateur avoue : «Mon père me battait parce que j?étais très turbulent. Les parents n?aiment-ils pas que le bien pour leurs gosses ? Le mien voulait juste me corriger. J?étais très jeune et je ne savais rien de la vie, ce n?est qu?en grandissant que j?ai reconnu mes erreurs. Le seul fautif, c?est moi.» Lorsqu?il lui arrive de ressasser sa vie, il ne le dit pas ouvertement, Adel pleure à chaudes larmes sa malchance et sa solitude et cette misère qui le persécute. «Dans la rue, j?ai appris le vol, le diluant et tout ce qui est mauvais... Je vole au port du café, du sucre? Et je les revends aux marchés pour avoir "ma tchippa", de quoi payer ce dont j?ai besoin et ma zatla ! C?est lorsque je me retrouve seul que l?envie imparable de humer du diluant ou de la "zatla " ou la "laska " (la colle) me hante.» Cette drogue coûte environ 100DA, les prix varient selon la quantité et la qualité. Malgré les hauts et les bas de son existence, Adel caresse le rêve de se marier et de fonder un foyer afin de se stabiliser et se retirer complètement «du milieu».