Résumé de la 1re partie - Trace Wydmore veillait à la réputation de la ville comme un père sur celle de sa fille. Elle allait voir ça elle-même. — Allons-y, dit-elle. Elle sauta sur le guidon de la bicyclette de Trace, qui était dotée de moyeux de roues en bois et d'une selle inclinée : il prétendait que cela lui permettait d'aller plus vite. Le temps qu'ils atteignent le coude de la rivière où les évangélistes tenaient leurs assemblées, plus d'une douzaine de personnes étaient accourues vers Anna pour lui dire que quelqu'un était mort. Quelques-unes des femmes, de bonnes luthériennes ou presbytériennes qui n'étaient en aucune façon liées aux évangélistes, étaient en pleurs. Jusque sur la rivière, des gens venaient en barque et accostaient pour voir ce qui se passait. Depuis une distance d'une centaine de mètres, Anna vit un groupe d'environ vingt personnes rassemblées près d'un coude de la rivière. C'était un jour à faire un pique-nique, pas un jour pour mourir : les papillons colorés d'avril voletaient partout et des fleurs dressaient leurs corolles rouges, bleues et jaunes comme un feu d'artifice sur le bleu clair du ciel. Chacun des membres de la congrégation évangéliste avait une Bible à la main et psalmodiait une ancienne hymne fondamentaliste intitulée «Amen, Amen, Voici la Céleste Puissance». De loin, ils avaient l'air de gens paisibles tant qu'on n'avait pas vu leurs visages où se peignait la fureur.Ils n'adoraient pas un Dieu bienveillant, mais plutôt un Dieu terrible et vengeur qui, croyaient-ils, les avait transformés en instruments redoutables de son courroux. Anna vit même sur, les visages des jeunes cette sombre expression de colère et ce chagrin débordant. L'esprit de ces enfants appartenait déjà à cette secte et Anna en fut très attristée. Ils portaient des vêtements de travail fanés : rien de fantaisiste ou de décoratif, car leur Dieu réprouvait la frivolité sous toutes ses formes. Ils se tenaient en un cercle si étroit que, de là où elle était, Anna ne pouvait voir le sol au milieu d'eux. Mais elle entendit le bruit affreux des serpents à sonnettes qui avaient été capturés et enfermés dans un sac de toile pour la cérémonie religieuse. John Muldaur, le géant brutal et coléreux qui était le pasteur de ces gens, enseignait que si vous aviez l'âme pure, vous pouviez prendre dans vos mains l'un de ces serpents furieux, voire deux, sans qu'ils vous mordent. Mais si vous n'étiez pas pur, ils vous frapperaient. Un an auparavant, Anna avait accompagné Ryan lors d'une descente dans la secte. Elle avait vu des enfants de cinq ou six ans avec des serpents qui se tortillaient dans leurs petites mains blanches. Ryan avait sorti son six-coups et l'avait braqué sur la têtede John Muldaur pour lui ordonner d'ôter les serpents des mains des enfants. Ce matin-là, Anna se tenait à quelques mètres à l'écart du groupe en attendant qu'ils aient terminé leur hymne. A suivre