L'Algérie est un marché convoité par la mafia de la drogue. La consommation porte de plus en plus sur les drogues dites dures, à l'instar des psychotropes. Le dernier bilan de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT) relève une augmentation des quantités saisies, passant de 215 081 comprimés de janvier à mai en 2016 à 314 984 durant cette même période de 2017, soit une hausse de 46,45%, dont 53,82% ont été saisis à l'ouest du pays. Signe d'un mal être, nombreux sont les jeunes qui s'adonnent à la drogue pour fuir la réalité et obtenir un certain plaisir immédiat. D'autres le font pour se conformer à un modèle social ou par curiosité comme la première cigarette par exemple qu'ils veulent goûter. Les conséquences de cette consommation peuvent néanmoins s'avérer très dangereuses. Elles se traduisent le plus souvent par une démotivation à vouloir apprendre, penser aux examens ou travailler. Cette catégorie a besoin d'un soutien et d'une prise en charge spéciale car ce n'est ni par l'exclusion ni par la contrainte qu'on pourrait l'intégrer dans la société. A. B. A l'école, au lycée, à l'université... Constat - La banalisation de la drogue et sa disponibilité fait qu'aujourd'hui nous nous trouvons face à un véritable phénomène de société. La hausse de la quantité de substances psychotropes saisie s'explique par l'ampleur qu'appris le fléau aussi bien dans le milieu scolaire, universitaire que sportif. Les chiffres officiels parlent de plus de 1 600 000 Algériens à consommer de la drogue, alors que les investigations des services de sécurité ont fait état de l'implication 10.116 individus dans des affaires liées à la drogue en 2017. Une hausse de 3,16% par rapport à l'année dernière, selon le même bilan qui révèle l'implication aussi de 51 étrangers. Les données de l'ONLDT révèlent également que parmi les personnes mêlées à ces affaires, 2.180 sont des trafiquants alors que 5.390 sont des usagers de résine de cannabis et que 1.199 sont des trafiquants de psychotropes et 1.257 autres en sont des usagers. Après Témesta, Rivotril, Diazepam, l'Artane, Roxil... les substances pharmaceutiques les plus demandées par les toxicomanes vient le Subutex. Ces comprimés entrainent des préjudices psychologiques très graves difficiles à corriger. Il s'agit d'une dégradation physique et morale qui fait perdre à l'usager toute connaissance de la réalité pouvant le pousser à la délinquance et à commettre les crimes les plus objectes. Le détournement à partir des sources licites à savoir les laboratoires pharmaceutiques et les pharmacies à travers de fausses ordonnances médicales serait à l'origine de l'ampleur qu'a pris ce trafic. Les trafiquants ont, ainsi compris que le marché algérien est porteur d'où la constitution de nouveaux réseaux dont un s'apprêtait à écouler, il ya moins d'un mois une quantité de 6.000 comprimés psychotropes « Subutex » d'une valeur 2,5 milliards de centimes. Le groupe est constitué de neuf personnes, tous des immigrés âgés de 33 ans et plus, qui se partageaient les rôles dans le trafic de cette substance via les axes de l'aéroport et du port d'Alger. Les 9 dealers s'approvisionnaient de France avant d'écouler illicitement leur produit dans les wilayas d'Alger et de Béjaia. Les services de sécurité ont enregistré une hausse de la demande sur cette substance dangereuse dont le prix d'un seul comprimé peut atteindre les 12.000 Da. L'effet du Subutex est nettement plus important que la morphine et l'héroïne et constitue un facteur déclencheur des maladies transmissibles par le sang, dont l'hépatite virale. Les saisies quotidiennes dévoilées par les services de sécurité est un indicateur certain du degré de malaise qui gagne la société et particulièrement la jeune génération. Pis encore, nous assistons aujourd'hui à une dépendance de plus en plus grande à ces substances chez les collégiens et lycéens. La relation étroite qui existe entre l'usage de la drogue, l'absentéisme et l'échec scolaire n'est d'ailleurs plus à démontrer. Ils trouvent dans les psychotropes une voie vers un autre état de conscience en l'absence de perspective d'avenir, de valeurs à tous les nivaux et d'approche éducative, sociale, médicale et sécuritaire vis-à-vis de ce phénomène. Assia Boucetta Plus de 21 500 toxicomanes pris en charge en 2016 21 507 toxicomanes, dont plus de 39 % sont âgés entre 16 et 25 ans, ont bénéficié d`une prise en charge médicale et thérapeutique durant les neuf premiers mois de l'année dernière, selon l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT). Le rapport fait état aussi de 8 212 personnes âgées entre 26 et 35 ans prises en charge, alors que 4 189 toxicomanes ont plus de 35 ans et 617 autres ont moins de 15 ans. La prise en charge des toxicomanes pour soins et désintoxication a concerné 19 720 bénéficiaires de consultations externes, 1 726 autres bénéficiaires d'hospitalisation volontaire et enfin 61 toxicomanes ont fait l`objet d`injonction thérapeutique. Le rapport de l'Office a par ailleurs précisé que 15 789 personnes (73,41% du total) sont célibataires et 4 987 personnes (23,19%) sont mariées. Sur le total des toxicomanes traités, 2 128 sont des femmes et 19 379 des hommes. Concernant la situation professionnelle, l'Office a révélé que plus de 55,82% sont sans emploi, 35,16% sont des travailleurs et que seulement 9,02% des toxicomanes bénéficiaires d'une prise en charge médicale et thérapeutique durant cette même période de référence sont des étudiants. A. B. Insertion socioprofessionnelle l L'association de lutte contre la toxicomanie (ALT) a lancé, à Oran, son programme pour l'insertion socioprofessionnelle d'une cinquantaine de toxicomanes. Il s'agit d'un programme d'une année qui vise à accompagner cette catégorie fragile à retrouver sa place dans la société. Cette action intervient dans le cadre du projet NASIJE (Nouvelle action solidaire pour l'insertion des jeunes exclus) mise en œuvre par Handicap international, dans le cadre du programme PAJE, sous l'égide du ministère de la Solidarité nationale. «Notre but est de présenter le toxicomane comme une victime plus qu'un délinquant, notamment aux yeux du public», a expliqué Hassana Dahane la présidente de l'association, expliquant que le projet compte des ateliers, un groupe de parole et des activités. «Toutes ces actions visent à renforcer l'estime de soi et la stimulation du potentiel de ces jeunes afin qu'ils puissent se fixer de nouveaux objectifs et dépasser leur addiction», a ajouté Mme Dahane. Les jeunes ciblés sont âgés entre 16 et 36 ans, toxicomanes et ex-toxicomanes, notamment ceux qui ont des démêlées avec la justice. Les dispositifs d'aide à l'insertion professionnelle locaux seront impliqués pour la prise en charge de ces jeunes, a expliqué la même responsable. L'association compte pérenniser l'espace «Jeunesse sans drogue» après la fin du programme PAJE en 2018, afin de pouvoir accompagner le plus grand nombre de jeunes et moins jeunes dans leur lutte contre leur addiction. A. B. La société civile doit s'impliquer Nécessité - Pour faire face au phénomène de la drogue, il est nécessaire d'adopter des mécanismes préventifs dont l'intensification des activités de sensibilisation et l'implication des acteurs de la société civile. Il appartient aux acteurs de la société civile de faire face à ce fléau en milieu sociétal, notamment parmi les jeunes en quête d'une prise en charge des institutions concernées, estime l'avocate Krikou Kawthar. Pour sa part, Rachid Halimi, praticien, a évoqué les séquelles de la toxicomanie, dont les complications sur la santé morale, les crises cardiaques et le décès. Il s'avère nécessaire, a-t-il préconisé, d'intensifier les actions de sensibilisation, de vulgarisation et de lutte contre les dangers de ce phénomène. Les experts sont unanimes à se joindre à cette option en rappelant l'importance de l'engagement des composantes de la société civile dans l'accomplissement de leur mission, et leur contribution dans la sensibilisation et la vulgarisation des risques encourus de la toxicomanie et la protection de la société des effets dévastateurs de ce fléau. L'ordre des avocats de Constantine vient de mettre au point, dans ce cadre, un riche programme de sensibilisation ciblant les différentes régions du pays, dont son coup d'envoi s'effectue à partir de la wilaya de Tamanrasset eu égard à sa position et spécificités géographiques. Parallèlement à cette action, une enquête pilote sur la propagation de la consommation de drogues en milieu universitaire sera menée à partir du mois d'octobre prochain au niveau d'une université de la wilaya d'Alger, en prévision de sa généralisation à travers le territoire national. L'enquête sera réalisée sur la base d'un sondage effectué par des spécialistes auprès des étudiants et permettra de définir la tranche d'âge des jeunes en proie à ce phénomène à travers un questionnaire soumis aux étudiants concernant l'âge, le sexe et la situation sociale. L'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT) a tiré la sonnette d'alarme sur la consommation de drogues à un jeune âge, notant que la dernière enquête menée par l'Office sur la toxicomanie en milieu scolaire a démontré que «la catégorie des moins de 15 ans est touchée par ce fléau». L'enquête nationale a confirmé la consommation de drogues et de psychotropes par les jeunes âgés de moins de 15 ans, révélant un taux de 18,36% pour la consommation de tabac en milieu scolaire. La quantité de drogue saisie dans des affaires de consommation chez des jeunes consommateurs, qui est en nette augmentation, démontre la propagation de ce fléau en milieu juvénile, affirme la directrice de la prévention et de la communication de l'ONLDT. Ghania Keddache a fait état de 38 centres de désintoxication, relevant du ministère de la santé, à travers le territoire national, assurant une prise en charge externe. Ces centres comptent des médecins généralistes, des psychologues et des sociologues. La responsable a précisé que les individus impliqués dans des affaires de consommation de drogue «peuvent, lors de leur comparution devant la justice, choisir entre le suivi d'un traitement dans un centre de désintoxication ou faire l'objet de poursuites judiciaires», estimant que cet outil juridique «est très efficace» dans la prévention et la lutte contre ce grave fléau qui ronge la société. A. B. Vers la création d'une confédération nationale Projet - Une confédération nationale de lutte contre les comportements additifs sera créée prochainement, alors que plus de 14 tonnes de résine de cannabis ont été saisies en trois mois. Cette confédération, envisagée par les différentes associations médicales et sociales au niveau national, permettra de dégager un plan d'action commun de lutte contre la consommation de la drogue sous toutes ses formes et sensibiliser les citoyens sur les comportements addictifs. «Nous ambitionnons, à l'issue de cette rencontre, de créer une confédération nationale de lutte contre les comportements addictifs qui renfermera des médecins, des membres d'associations de lutte contre les stupéfiants et tous les acteurs concernés par ce combat que nous menons», a expliqué Zahra Oulechrif, présidente de l'association Tujya. A l'issue de la concrétisation de ce projet, des réflexions seront engagées en vue de dégager un plan national de lutte contre les comportements addictifs, y compris ceux liés à la drogue, à l'internet, aux jeux vidéo, aux sports et autres pratiques susceptibles d'aboutir à ce phénomène, a-t-elle expliqué à l'occasion d'une journée d'information et de sensibilisation sur la drogue. Il faut dire qu'aucun milieu social n'est épargné contre la montée de la drogue faisant chaque année de nombreuses victimes. Ce phénomène de masse constitue aujourd'hui une nouvelle problématique cruciale pour les autorités et la société civile eu égard aux effets qu'entraînent son trafic et sa consommation sur les individus et la société. Plus de 14 tonnes de résine de cannabis ont été saisies durant le premier trimestre de l'année 2017, dont 86,75% dans l'ouest du pays, selon le dernier bilan de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT). Au total, 14 373,928 kg de résine de cannabis ont été saisis durant le premier trimestre de l'année 2017, dont 86,75% dans la région Ouest du pays», a précisé l'Office dans son rapport, se référant au bilan des services de lutte contre les stupéfiants (gendarmerie, police et douanes). La quantité de résine de cannabis saisie durant les trois premiers mois de l`année en cours a enregistré une baisse de 48,33% par rapport à la même période de l`année 2016, en raison surtout du renforcement du dispositif sécuritaire aux niveaux des frontières. Selon le rapport, 11,08% des quantités saisies ont été enregistrées dans la région Sud du pays, 1,27% dans la région Est et 0,90% dans le Centre du pays. La journée était également une occasion pour informer sur les différentes formes d'addiction, ses causes, sa prise en charge et les moyens pouvant renforcer la lutte contre ces pratiques qui deviennent de plus en plus fréquentes dans notre société, a affirmé l'association Tujya. L'addiction se présente souvent comme une utilisation inappropriée d'un produit pouvant conduire à un dysfonctionnement psychique chez l'usager. Ce comportement peut se traduire par l'incapacité de l'individu à diminuer ou à contrôler la consommation du produit psychotropique. Les troubles addictifs ne comprennent pas uniquement des substances psychoactives (médicaments, drogue, alcool), mais incluent, comme le confirme l'association Tujya, les addictions comportementales (jeux vidéos, cyberaddictions, conduites alimentaires...).