Justice - Affaibli par les confessions explosives d'un ancien membre de sa garde rapprochée, l'ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva sera interrogé pour la deuxième fois aujourd'hui par le juge anti-corruption Sergio Moro. Déjà condamné à près de dix ans de prison par ce même magistrat en juillet dans le cadre d'une autre affaire, Lula, 71 ans, visé au total par six procédures judiciaires, est sous la menace de multiples épées de Damoclès qui pourraient étouffer dans l'œuf ses ambitions de retour au pouvoir. La semaine dernière, il a été atteint de plein fouet par les révélations d'Antonio Palocci, son ancien ministre des Finances, qui a été arrêté en septembre 2016 et condamné depuis à une peine de 12 ans de prison. Lui aussi interrogé par le juge Moro, ce dernier a affirmé que Lula avait passé «un pacte du sang» entre son Parti des travailleurs (PT) et l'entreprise Odebrecht, au cœur du scandale de corruption qui secoue le Brésil. Le magistrat pourrait utiliser ces nouveaux éléments afin de renforcer les accusations qui pèsent sur l'ancien président (2003-2010) dans l'affaire pour laquelle il sera interrogé mercredi. Selon les procureurs, Odebrecht aurait payé un terrain destiné à l'Institut Lula à Sao Paulo et mis à disposition pour sa famille un terrain dans la ville voisine de Sao Bernardo do Campo, pour rétribuer des faveurs dans l'obtention de contrats avec la compagnie pétrolière d'Etat Petrobras. «Les faits rapportés sont réels», a expliqué M. Palocci, une affirmation qui pourrait battre en brèche toute la ligne de défense de l'ex-président. «L'histoire que raconte Antonio Palocci contredit d'autres témoignages et ne peut être comprise que dans le contexte d'un homme emprisonné et condamné dans d'autres procès par le juge Sergio Moro», avait néanmoins réagi Lula sur sa page Facebook. Le 10 mai, lors de son premier face-à-face avec le juge Moro à Curitiba (Sud), l'ex-président s'était dit victime d'une «mascarade», niant en bloc toutes les accusations. Mais depuis, sa situation s'est considérablement détériorée. En juillet, l'ancien ouvrier métallurgiste, qui avait fini ses deux mandats avec des indices record de popularité, a été condamné à neuf ans et demi de prison. Le juge Moro l'a reconnu coupable d'avoir reçu un triplex dans une cité balnéaire en guise de pot-de-vin de la part de l'entreprise de bâtiment OAS. Laissé en liberté en attendant son jugement en appel, il risque de se voir empêché de se présenter aux élections d'octobre 2018 en cas de condamnation en deuxième instance, voire de se retrouver derrière les barreaux. Lula est jusqu'à présent en tête des intentions de vote, mais suscite aussi un fort niveau de rejet dans l'opinion brésilienne. Sa tournée réalisée ces dernières semaines dans les régions pauvres du Nord-Est n'a d'ailleurs pas attiré les foules. Le PT a déjà annoncé une manifestation en soutien à l'icône de la gauche à Curitiba, mais la plupart des observateurs s'attendent à une mobilisation moindre que lors du premier interrogatoire, quand près de 7 000 militants s'étaient déplacés. Encore traumatisé par la destitution brutale de Dilma Rousseff (2011-2016), dauphine de Lula, le parti pourrait être obligé de penser pour 2018 à un plan B, même si aucun membre du parti n'ose en parler ouvertement.