Portrait - Le film documentaire «Kemtiyu Cheikh Anta», une œuvre dédiée au parcours et à l'engagement scientifique et militant du Sénégalais Cheikh Anta Diop pour l'exhumation de l'histoire et la mémoire du continent africain, a été présenté lundi au public à Alger par son réalisateur sénégalais Ousmane William Mbaye. D'une durée de 94 mn, ce documentaire a été projeté en compétition devant le jury du 8e Festival international du cinéma d'Alger, dédié au film engagé, qui se déroule depuis vendredi. Trente ans après la disparition de cet imminent intellectuel sénégalais, historien, égyptologue, anthropologue et homme politique, le réalisateur Ousmane William Mbaye décide d'immortaliser le personnage, son œuvre, ses thèses et sa vision dans un film pour les générations qui ne l'ont pas connu et qui n'ont pas encore accès à son enseignement. Cheikh Anta Diop (1923-1986) a suivi des études de physique et de chimie à Paris avant de se tourner aussi vers l'histoire et les sciences sociales et adopter un point de vue spécifiquement africain face à la vision de certains auteurs de l'époque, selon laquelle les Africains sont des peuples sans passé. A Paris, l'universitaire prépare une thèse de doctorat en égyptologie et publie son fameux livre «Nations nègres et culture» en 1954. Il défend en France sa thèse voulant que l'origine de l'humanité soit l'Afrique, que la première civilisation dans le monde a vu le jour en Egypte et que ce soit une négro-africaine, qu'il y a de cela des millénaire l'être humain était noir et qu'il y a eu, par la suite, des mutations. Face aux réticences des universitaires et auteurs occidentaux, il n'obtient son doctorat qu'en 1960. Le film montre un scientifique engagé qui a redonné à l'éducation et la science son importance capitale dans la vie d'une nation en mettant en place des paradigmes africains et des thèses africaines, traduisant, par exemple, des cours de mathématiques et de chimie en langue wolof. Plusieurs personnalité témoignent du travail et de l'engagement de Cheikh Anta Diop, à l'image de l'ancien président sénégalais Léopold Sédar Sanghor avec qui Cheikh Anta était entré en désaccord sur la nécessité de réhabiliter les langues maternelles et élaborer un programme d'éducation propre à chaque pays, alors que le pouvoir en place défendait la francophilie, ce qui pousse l'universitaire à créer un parti politique et s'opposer au régime. Le film montre également l'impact de la pensée de Cheikh Anta Diop aux Antilles et aux Etats-Unis où il était considéré comme celui qui «a redonné à l'Afrique son passé», disait l'homme politique et écrivain Aimé Césaire, et qui a combattu l'aliénation culturelle dont il est «très difficile de se défaire même après l'indépendance». Lors des dernières années de sa vie, Cheikh Anta avait œuvré pour que la jeunesse s'arme de science et de savoir, seule solution pour s'élever, se développer et arracher son patrimoine culturel.