Malgré les mises en garde internationales Provocation. Donald Trump a informé hier plusieurs dirigeants du Proche-Orient de sa volonté de transférer l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, ignorant les mises en garde répétées contre une décision qui fait craindre une nouvelle escalade de violence dans la région. Le dossier est délicat pour le 45e président des Etats-Unis qui risque, à vouloir à tout prix tenir une promesse de campagne, de faire capoter les efforts de paix de son gendre et conseiller Jared Kushner, chargé de trouver une issue au conflit israélo-palestinien. Le locataire de la Maison Blanche, qui s'exprimera ce mercredi sur le sujet, a informé le président palestinien Mahmoud Abbas et le roi de Jordanie de son "intention" de procéder à ce transfert controversé contre lequel nombre de pays de la région sont vent debout. Le flou demeurait cependant sur le calendrier retenu par l'exécutif américain. Un scénario envisagé serait qu'il réitère avec force sa position de principe sur un déménagement de l'ambassade Tel Aviv à Jérusalem, tout en mettant en avant la nécessité d'un délai supplémentaire pour des raisons logistiques. "Le 6 décembre 2017, le président Trump reconnaîtra Jérusalem comme la capitale d'Israël", avait indiqué un responsable de l'administration sous couvert d'anonymat, mettant en avant la "reconnaissance d'une réalité" à la fois historique et contemporaine. Cette annonce a suscité une multitude de mises en garde contre la réaction de la rue palestinienne et arabe et contre le danger de porter un coup fatal à l'entreprise de paix déjà moribonde entre Israéliens et Palestiniens. "Le président tient une promesse centrale de sa campagne, promesse qui avait été faite par nombre de candidats à la présidentielle", a indiqué ce responsable américain. A l'appui de son raisonnement, l'exécutif souligne que retarder la reconnaissance de Jérusalem comme capitale "n'a, pendant plus de deux décennies, en rien aidé pour arriver à la paix". Toute reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël serait un casus belli pour les dirigeants palestiniens, qui estiment que Jérusalem-Est, annexée par Israël en 1967, doit être la capitale de l'Etat auquel ils aspirent et que le statut de la ville ne peut être réglé que dans le cadre d'un accord de paix avec les Israéliens. Les appels contre une telle décision aux conséquences imprévisibles sont tombées en cascade au cours des dernières 24 heures, tandis que M. Trump multipliait les appels téléphoniques: Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, roi Salmane d'Arabie saoudite, ou encore le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Tensions à Jérusalem La question est la même tous les six mois depuis plus de deux décennies: le président américain accepte-t-il de déménager l'ambassade des Etats-Unis en Israël vers Jérusalem, comme le prévoit une loi adoptée en 1995, ou signe-t-il une dérogation pour la maintenir à Tel-Aviv, à l'instar du reste de la communauté internationale? Concrètement, M. Trump signera une nouvelle fois cette dérogation car la nouvelle ambassade ne sera pas prête avant plusieurs années, a souligné la Maison Blanche. Mais il demandera au département d'Etat de préparer le transfert. Preuve de la tension que l'attente de cette décision suscite dans la région, les Etats-Unis ont interdit aux employés du gouvernement américain tout déplacement personnel dans la Vieille ville de Jérusalem. Cette interdiction vaut également pour la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël et contigu à Jérusalem, a précisé le département d'Etat. Seuls les déplacements officiels "essentiels", assortis de mesures de sécurité supplémentaires, sont autorisés. Evoquant une éventuelle relance des discussions sur le processus de paix, au point mort depuis 2014, un responsable américain a précisé que M. Trump était prêt à soutenir "une solution à deux Etats" si Israéliens et Palestiniens tombaient d'accord sur ce point. «Colère des musulmans» Si le président septuagénaire, qui vante régulièrement ses talents de "négociateur", reste déterminé "à aboutir un accord de paix durable" entre Israéliens et Palestiniens, l'équation s'annonce désormais redoutablement compliquée. Au cours d'un échange téléphonique hier, président palestinien Mahmoud Abbas a mis en garde M. Trump contre les "conséquences dangereuses d'une telle décision sur le processus de paix, la sécurité et la stabilité dans la région et dans le monde". Les appels contre une telle décision aux conséquences imprévisibles sont tombées en cascade au cours des dernières 24 heures. Le roi Salmane d'Arabie saoudite a averti Washington qu'une telle décision risquait de provoquer "la colère des musulmans". "C'est un pas dangereux", a dit le roi saoudien selon la télévision d'Etat al-Ekhbariya. "M. Trump, Jérusalem est une ligne rouge pour les musulmans", a averti le président turc Recep Tayyip Erdogan. Président en exercice de l'Organisation de la coopération islamique, il a précisé qu'un sommet des 57 pays membres, se tiendrait "sous 5 à 10 jours" si Washington reconnaissait Jérusalem comme capitale d'Israël. La Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans de Jérusalem, a mis en garde contre "une démarche aux conséquences graves" et les risques d'"escalade". En Europe, nombre de voix se sont aussi élevées. Le président français Emmanuel Macron a exprimé sa "préoccupation". "Tout ce qui contribue à attiser la crise est contre-productif en ce moment", a renchéri le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel. Concerts de réactions L'ONU, la Chine et le Royaume-Uni, tous deux membres permanents du Conseil de sécurité, ont joint ce mercredi leur voix au concert d'inquiétudes exprimées depuis plusieurs jours. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, "s'est exprimé à de nombreuses reprises, y compris sur ce sujet, et il a dit que nous devons tous nous montrer très prudents quant à ce que nous faisons", a mis en garde l'envoyé spécial de l'ONU au Proche-Orient, Nickolay Mladenov, lors d'une conférence à Jérusalem. "L'avenir de Jérusalem est quelque chose qui doit être négocié avec Israël et les Palestiniens assis côte à côte dans des négociations directes", a dit M. Mladenov lors d'une conférence à Jérusalem. Pékin s'est dit "inquiet d'une possible escalade des tensions". Le chef de la diplomatie Boris Johnson a exprimé la "préoccupation" britannique, affirmant lui aussi que le statut de Jérusalem devait faire l'objet d'une "solution négociée". Il a indiqué que Londres n'avait aucune intention de suivre Washington sur ce terrain. Menace de couper l'aide à l'Autorité palestinienne Contexte. Ce vote intervient à la veille d'un discours du président américain dans lequel il devrait faire part de sa volonté de transférer l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. La Chambre des représentants des Etats-Unis a voté hier à l'unanimité pour couper les fonds à l'Autorité palestinienne tant que continueront des paiements aux familles de Palestiniens condamnés ou emprisonnés par Israël après des attentats. La mesure doit encore être examinée par le Sénat, mais son adoption sans opposition illustre le consensus qui existe au Congrès, chez les démocrates et les républicains, sur le sujet. Le texte demande au département d'Etat de stopper l'aide américaine aux Palestiniens tant que le secrétaire d'Etat n'aura pas certifié que l'Autorité palestinienne "a cessé les versements pour des actes terroristes contre des citoyens américains et israéliens" aux personnes emprisonnées après un procès ou qui sont mortes durant un attentat, ainsi qu'à leurs familles. Ce vote intervient à la veille d'un discours du président américain dans lequel il devrait faire part de sa volonté de transférer l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. La proposition de loi est nommée en l'honneur de Taylor Force, un Américain de 28 ans tué lors d'un voyage en mars 2016 à Tel Aviv par un Palestinien de 21 ans de Cisjordanie, tué par la police. "L'Autorité palestinienne verse des salaires aux Palestiniens qui attaquent des innocents comme Taylor", a déclaré l'élu républicain Ed Royce, président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre. "Trop de familles en deuil s'endorment le soir en pensant à l'argent versé en récompense de la violence qui a tué leurs proches", a-t-il dit, dénonçant un système officiel d'"incitation". Israël dénonce régulièrement l'existence de compensations financières versées aux familles d'assaillants. En juin dernier, le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson avait affirmé que l'Autorité palestinienne avait accepté d'arrêter de rétribuer les familles des auteurs d'attentats anti-Israéliens. Mais l'Etat hébreu avait alors exprimé son scepticisme sur ce dossier. Ces paiements sont l'un des obstacles au moribond processus de paix au Proche-Orient. Selon le site du département d'Etat, l'aide américaine à la Cisjordanie et à Gaza devrait être d'environ 251 millions de dollars en 2018. Pékin «s'inquiète» d'une «escalade» l La Chine s'est déclarée ce mercredi "inquiète" du projet du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël et a dit craindre une "escalade" dans la région. "Nous sommes inquiets d'une possible escalade des tensions", a indiqué Geng Shuang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. "Toutes les parties concernées doivent avoir à l'esprit la paix et la stabilité régionales, être prudentes dans leurs actions et leurs déclarations, éviter de saper les bases d'une résolution de la question palestinienne et s'abstenir d'engendrer une nouvelle confrontation dans la région", a-t-il indiqué lors d'un point de presse. Macron dit sa «préoccupation» n Le président français Emmanuel Macron a exprimé lundi à son homologue américain sa "préoccupation" devant la possibilité que Donald Trump décide de déménager l'ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv vers Jérusalem, a indiqué l'Elysée lors d'un entretien téléphonique relaté par l'Elysée dans un communiqué. Lors d'un entretien téléphonique, "le président français a exprimé sa préoccupation sur la possibilité que les Etats-Unis reconnaissent unilatéralement Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israël", selon la présidence française. "Emmanuel Macron a rappelé que la question du statut de Jérusalem devra être réglée dans le cadre des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, visant en particulier l'établissement de deux Etats vivant côte à côte en paix et en sécurité avec Jérusalem pour capitale", selon l'Elysée. Le pape appelle au respect du statu quo à Jérusalem n Le pape François a appelé ce mercredi au respect du statu quo de Jérusalem et à faire preuve de "sagesse et prudence", alors que le président américain, Donald Trump, s'apprête à reconnaître la Ville sainte comme capitale d'Israël. "Je ne peux taire ma profonde inquiétude pour la situation qui s'est créée ces derniers jours" autour de Jérusalem, a déclaré le pape lors de son audience hebdomadaire. "J'adresse un appel vibrant pour que tous s'engagent à respecter le statu quo de la ville, en conformité avec les résolutions pertinentes de l'ONU". Turquie met en garde contre un «incendie» dans la région La Turquie a averti ce mercredi que la reconnaissance attendue par Washington de Jérusalem comme capitale d'Israël risquait de précipiter la région dans "un incendie". Cette mesure est susceptible de "précipiter la région et le monde dans un incendie dont personne ne sait quand il prendra fin", a déclaré le porte-parole du gouvernement turc Bekir Bozdag sur Twitter. "Proclamer Jérusalem capitale (d'Israël) est une négation historique, une grande injustice, un grand manque de vision et une grande folie", a ajouté M. Bozdag. "J'appelle chacun à agir de manière responsable (...) à se garder de mettre en péril la paix dans le monde à des fins de politique intérieure ou autres", a-t-il poursuivi. "J'invite les musulmans et les pays islamiques à protéger leur honneur". Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déjà averti hier que le statut de Jérusalem était "une ligne rouge" pour les musulmans, évoquant même une possible rupture diplomatique avec Israël si Washington devait reconnaître la ville sainte comme capitale. Cette question sera au centre d'entretiens que M. Erdogan doit avoir ce mercredi à Ankara avec le roi de Jordanie Abdallah II, dont le pays est le gardien des Lieux saints musulmans de Jérusalem. Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a lui aussi mis en garde ce mercredi contre la mesure américaine avant une rencontre avec son homologue américain Rex Tillerson en marge d'une réunion de l'Otan à Bruxelles. "Ce sera une erreur. Cela n'apportera ni paix ni stabilité, mais chaos et instabilité", a-t-il dit à la presse. "Je l'ai déjà dit (à M. Tillerson) et je le lui redirai", a-t-il ajouté. Damas condamne le projet «dangereux» de Trump Le projet du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël est "dangereux", a affirmé ce mercredi le ministère syrien des Affaires étrangères. "La Syrie condamne dans les termes les plus forts la volonté du président américain de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem occupée et de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'occupation israélienne", a indiqué une source au ministère des Affaires étrangères citée par l'agence officielle Sana. «Cette initiative dangereuse de l'administration américaine montre clairement le mépris des Etats-Unis à l'égard de la loi internationale", selon la même source. "Le président américain et ses alliés dans la région assumeront la responsabilité d'une telle décision", poursuit-elle. «Le président américain n'aurait pas osé prendre cette initiative sans son alliance avec des régimes arabes qui ont comploté et continuent de comploter contre la Syrie et contre la cause palestinienne", a encore ajoute la source syrienne. Elle faisait allusion à l'Arabie saoudite, alliée de Washington au Moyen-Orient.