C?est un homme que l?on croise dans les ruelles de la capitale, sous les ponts sans vraiment le voir. Un «riche» mendiant qui a été rejeté par sa famille. Sa vie a basculé du jour au lendemain. Il se retrouve dans la rue, misérable, dépossédé de ses biens. Pourtant, il menait une vie ordinaire, une existence paisible. Visage basané, une longue barbe grise, son corps dodu semble porter le poids des années. Sa frimousse est angélique. Pourtant, il n?aime guère cette métaphore. «Je suis diabolique, vous ne me connaissez pas», affirme-t-il. Agressif, violent au départ, l'homme n?est pas prêt à parler. Il rejette tout et refuse de se livrer, de raconter sa vie. «Je confie ma détresse à Dieu, lui seul comprend, lui seul écoute. L?homme est injuste, mais fort heureusement, il y a une justice divine.» Malgré ses rides, ses grands yeux verts pétillent de vie, pourtant il voit mal. Un problème de santé héréditaire. «Le fait de savoir que moi au moins je pense me console. Beaucoup de gens ne raisonnent plus.» Mohamed parle un français soutenu. Molière, Balzac, Racine?, ne sont guère des étrangers pour lui. «Depuis que je suis dans la rue, je ne l?ai pas pratiqué, mais j?ai encore le verbe facile.» Sa faconde séduit. Ses paroles sont profondes et tout ce qu?il dit a un sens.