Esthétisme Il suffit d?une boîte à rythmes et d?un synthétiseur pour mettre en ?uvre une armature musicale? Le raï est en pleine décadence car n?ayant ni fondement créatif ni principe normatif susceptible de le rehausser. De plus, il n?est ni rationalisé ni réglementé. Le raï ne peut, tel qu?il est conçu et pratiqué par les «apprentis» musiciens, s?inscrire dans la durée, encore moins dans la qualité, puisqu?il est l?exercice irréfléchi d?amateurs de troisième ordre n?ayant ni l?expérience ni même le savoir-faire et encore moins la connaissance ? ou la culture ? de la musique. La quantité est sensiblement plus marquée que la qualité. Il y a surabondance de chanteurs, un embouteillage monstre, mais sur le plan de la composition musicale, la réalité est tout autre. Il n?y a, à ce niveau, ni réflexion ni création. Les artistes, loin d?être méthodiques, rigoureux et cohérents dans leur démarche créative, se livrent tout bonnement ? et intuitivement ? à un assemblage prosaïque de notes sans normes ni substrat, encore moins de substance, et cela à l?aide de boîtes à rythmes. Effectivement, il suffit d?une boîte à rythmes et d?un synthétiseur pour mettre en ?uvre une armature musicale, alors qu?il devait y avoir en principe un travail de recherche, donc un orchestre dense et pluriel, constitué de musiciens avertis, pratiquant correctement et équitablement de leur instrument. Des artistes qui peuvent faire preuve de rigueur et de sensibilité, faisant preuve en conséquence un professionnalisme avéré dans l?interprétation, donc dans le jeu et la création aussi. La structure musicale que chacun des chebs met à exécution s?avère franchement creuse, tarie de toute donnée significative et d?élément esthétique. Elle ne témoigne d?aucune sensibilité et d?aucun travail intellectuel. Car le raï n?est pas encore conceptualisé, cerné dans sa profondeur et son essence même. Il n?est pas non plus ancré dans une méthodologie et une démarche créative positiviste. Il y a certainement une omission ? si ce n?est de la méconnaissance ? du raï qui reste, jusqu?à aujourd?hui, une expression terne, affaiblie, vidée de toute sa signifiance, avachi dans ses repères par une surexploitation anarchique, à défaut d?instruments d?approche et de normes précises et concrètes de composition, donc de création. Pratiquement le même constat est à faire pour les paroles. Il s?agit d?une conjonction décousue et parfois chaotique de mots et de phrases qui, en réalité, n?ont aucun sens et sont parfois «agrammaticales». La chanson, stérile, ne veut rien dire, seulement elle se traduit par un débit de paroles liées d?un trait d?union. En dépit de ces lacunes et insuffisances, le raï continue d?agir sur le public. Et parfois l?on se demande s?il ne serait pas à l?image de ce public !