Débat La contrefaçon et le piratage du livre en Algérie prennent des proportions inquiétantes. Selon les professionnels du livre, le chiffre est estimé à plus de 400 titres. Lors d'une rencontre-débat organisée par la librairie Chihab internationale, les professionnels du livre, ainsi que le représentant de l'Office national des droits d'auteur et droits voisins (Onda) ont essayé de porter un regard analytique sur les causes et les conséquences de cet état de fait sur la chaîne éditoriale, ainsi que les mesures (législation, sensibilisation, solidarité interprofessionnelle) à entreprendre afin de l'endiguer. «La lutte contre le piratage du livre figure parmi nos objectifs, mais en tant que libraire, je ne suis ni fier ni honteux de vendre ces ouvrages, car si la création intellectuelle doit prédominer, il ne faut pas perdre de vue l'aspect financier, très épineux, inhérent à cette profession», a indiqué M. Sakhri, vice-président du syndicat des libraires et responsable de la librairie El-Ghazali. Positionnant la problématique du piratage dans un cadre global, M. Sakhri a énuméré les difficultés auxquelles sont confrontés les libraires, notamment l'absence d'homologation pour la vente du livre scolaire, la non-accession au marché institutionnel, la réalité des prix ? prohibitifs ? de ce produit, liée aux conditions d'importation et à la dépréciation du dinar. «De par l'accessibilité des prix des livres piratés, nous cédons donc à cette pratique que nous condamnons par ailleurs», a-t-il ajouté. S'inscrivant en faux contre l'idée que le piratage permet l'accès de tous au livre, M. Guerfi, directeur des éditions Chihab et membre du syndicat des éditeurs, a estimé, pour sa part, que ce fléau a un impact négatif sur la chaîne du livre et pénalise les éditeurs qui ont peur, désormais, de pratiquer l'édition ou la coédition. Posant le problème des droits de cession, Il cite le cas du livre d'Amin Maalouf Origines, dont les droits avaient été achetés par un éditeur algérien. «Mais cette ?uvre, parue chez Gallimard, ne peut être publiée par celui-ci car elle se trouve sur le marché algérien en version piratée.» Mettant en exergue l'arsenal juridique dans ce domaine, M. Zantar, directeur général adjoint de l'Onda, a évoqué l'ordonnance du 19 juillet 2003, relative aux droits d'auteur et droits voisins, qui est en adéquation, dira-t-il, avec la convention de Berne sur la protection des ?uvres littéraires et artistiques. «Cependant, le problème se pose en termes de mise en ?uvre de cette législation, qui prévoit des actions répressives en cas de piratage», a-t-il souligné. Les participants à cette rencontre ont insisté sur l'application de ce cadre juridique en relevant qu'il faudrait adjoindre une action de sensibilisation des libraires, ainsi que l'instauration d'un véritable réseau professionnel. «Tout ceci doit passer par une prise en charge du livre de la part de l'Etat qui, entre autres, s'attellera à renforcer la librairie en lui ouvrant les marchés porteurs, tel celui du livre scolaire.» Les spécialistes du livre ont évoqué également le problème du photocopiage, considéré, selon eux, comme un acte de piratage au même titre que les ouvrages contrefaits.