Stratégie Pékin cherche à faire émerger des entreprises de taille internationale pour imposer ses marques et sa technologie. Il y a encore un an, qui aurait été capable de citer des noms de marques chinoises ? En 2004, plusieurs d'entre elles ont fait leur entrée dans la cour des grands. Lenovo par exemple, ce fabricant d'ordinateurs personnels, numéro un en Chine, mais quasiment inexistant à l'exportation, qui est devenu aujourd'hui le numéro trois mondial en rachetant pour 1,25 milliard de dollars la division PC d'IBM. Ou TCL, géant chinois de l'électronique, peu connu hors d'Asie jusqu'à ce qu'il prenne cet été le contrôle de la branche téléviseurs de Thomson pour devenir le numéro un mondial, puis rachète les téléphones portables d'un autre français, Alcatel. L'appétit international des grandes entreprises chinoises est sans limites. La Shanghai Automotive Industry Corporation (Saic) vient de prendre le contrôle d'un constructeur automobile sud-coréen en difficultés, Ssangyong Motors. Elle est en passe de sauver de la banqueroute la marque britannique Rover. La Saic était jusqu'ici le partenaire passif de Volkswagen et de General Motors en Chine, se contentant de fabriquer à grande échelle leurs modèles. Sa période d'apprentissage terminée, cette société d'Etat affiche ses ambitions et s'apprête à concurrencer ses associés... A chaque fois, l'enjeu est double : accéder à des technologies ou à des centres de recherches pointus qui n'existent pas (encore) en Chine. Et bénéficier de points d'entrée dans les marchés occidentaux. Au total, sur les neuf premiers mois de l'année, les entreprises chinoises ont réalisé 44 acquisitions à l'étranger, pour un montant total (avant l'accord Lenovo-IBM) de 1,4 milliard de dollars. Chiffre modeste par rapport aux 55 milliards de dollars d'investissements étrangers annuels en Chine, mais en augmentation de 40% sur 2003. Cette internationalisation rapide a l'avantage de faire gagner du temps à des marques inconnues, et parfois en retard technologiquement. D'autres entreprises font le choix opposé, comme Haier, numéro un chinois de l'électroménager, qui a conduit seul son expansion internationale, et dispose aujourd'hui d'une usine aux Etats-Unis et de filiales en Europe. Les équipementiers télécom ZTE et Huawei ont, eux aussi, quitté la Chine et enregistrent d'importants succès à l'étranger. Cette soudaine irruption des entreprises chinoises a pu surprendre ceux qui estimaient que Pékin se contenterait du succès de sa stratégie visant à attirer en Chine les investissements étrangers. L'expression «usine du monde» employée ces dernières années n'est pas abusive : la Chine occupe désormais des positions dominantes dans la production de nombreux secteurs (textile, téléphones portables, ordinateurs, jouets, etc.).