Chantage «Si seulement tu touches le bouton du clignotant je sauterai», lui dit-elle. Avec sa paire fine de lunettes de vue, son minois d?étudiant de première année en... chimie, sa grande taille inversement proportionnelle à son poids, Houari, 23 ans, a honte. Durant toutes les soixante minutes qu?auront duré les débats, il gardera les mains derrière le dos et la tête baissée, le menton carrément collé au liant de la poitrine. C?est qu?il risquait gros le jeunot. Il a pris le risque d?embarquer O. S. depuis Bab Ezzouar jusqu?à Aïn Defla. Naïma Taboudoucht, la juge, qui a décidé d?éviter l?audience à huis clos, lance en direction des parties et de la nombreuse assistance dans un but évident : «Allez jeune homme, racontez-nous un peu ce voyage de plus de cent vingt km, avec tous les risques physiques et moraux.» Houari va répondre mot à mot à l?invitation de la juge qui décortique le dossier et qui, donc, veut que l?opinion sache que le détournement de mineur n?est pas forcément un acte unilatéral. Houari commence par raconter qu?au premier virage, avant d?arriver sur la bretelle de Oued Smar, il l?avait invitée à descendre au carrefour. O. S. a refusé «Elle m?a balancé» en pleine face : «Mane rouheche» (je ne m?en irai pas). Mes parents ne veulent pas de moi», narre le jeune inculpé qui assure qu?il lui avait proposé de l?accompagner alors chez sa tante maternelle à Dely Ibrahim : «Mane rouheche». Il lui propose son autre tante. Il obtient le même refus avec la même expression. Houari poursuit : «Allez viens, rentre chez mes parents. Ils sont gentils, tu verras, tu y passeras la nuit», ajoute Houari qui entend un amer : «Mane rouheche». L?inculpé dit qu?encore une fois il avait pensé à ses voisins, elle a refusé en prononçant toujours la même phrase. Selon lui, elle a justifié son refus de rentrer chez elle par le fait que ses parents voulaient la marier à un «cochon». Elle lui aurait susurré à l?oreille : «C?est toi que j?ai choisi, je reste avec toi dans la voiture et si tu tentes de freiner ou seulement si tu touches le bouton du clignotant je sauterai du véhicule et j?en finirai avec cette vie de chienne», bafouille Houari au bord d?une crise de larmes. Et pendant ce temps, que croyez-vous que O. S. faisait ? Elle ne cessait de narguer du regard sa pauvre mère qui fait, franchement, plus jeune et plus fraîche. Elle ne cessait de danser sur un pied. Elle gigotait carrément. Elle regardait dans toutes les directions. Kheloufi, le procureur, est exaspéré. Il voudrait bien la rappeler à l?ordre, à plus de retenue. La présidente ouvre enfin la bouche : «Hé vous O. S. où vous croyez-vous ? Votre statut de mineure ou de victime ne vous couvre point. Tenez-vous convenablement ou le tribunal prendra les mesures qu?il faut», tonne-t-elle. O. S. fait jouer le blanc de ses yeux que de gros cils moches font que cette «gamine» ressemble étrangement à une mère de dix enfants victime de son mari, un violent comme on en rencontre souvent dans les salles d?audience. Lassée, Taboudoucht prend acte des demandes de Bouzid qui requiert l?application de la loi. Sur le siège, la juge met un terme en condamnant Houari à une peine de prison de six mois assortie du sursis. Les gens quittent la salle, le tribunal aussi, O. S., elle, regarde sa maman qui l?invite à sortir avec elle, elle répond : «Man Rouheche». Encore !