Le port de lunettes ne répondant pas aux normes exigées peut mener à la perte de la vue. C'est le rush sur les lunettes de soleil. Pour se protéger les yeux contre les rayons dardant du soleil, les citoyens se rabattent sur le port de lunettes. Que ce soit sur les boulevards Hassiba Ben Bouali, Amirouche ou Abane...Alger se pare contre les rayons solaires nocifs, infra ou ultra conjugués à toutes les couleurs. De Dior à Police en passant par Chanel et les incontournables Ray-Ban. Des marques de renom proposées sur des étals poussiéreux parfois à même le sol. Mais le commun des Algérois, des Algériens aussi, sait que ces lunettes n'ont de «marque» que le nom car le produit chinois contrefait s'est aussi frayé un chemin dans le marché de la commercialisation des lunettes. Un marché florissant, certes, mais au grand dam de la santé des usagers, en perpétuel danger. En sus de ces lunettes de soleil utilisées la plupart du temps comme accessoires esthétiques, les pseudo-lunettes de vue se vendent partout à longueur d'année. L'acheteur est tenté par les prix imbattables proposés ici et là. La paire de lunettes avec ses verres pour corriger la presbytie (trouble de la vision) se négocie entre 150 et 300DA tandis que le passage par l'ophtalmologue et l'opticien coûtera, au bas mot, 4000DA. Si les commerçants tirent profit de ce commerce informel, les opticiens, quant à eux, dénoncent l'absence de tout contrôle qui leur fait perdre la clientèle. Par quelle mystérieuse alchimie tous ces produits contrefaits atterrissent-ils en Algérie? Il est vrai que nous n'avons pas le monopole de la contrefaçon mais ce commerce informel qui ne présente qu'une infime partie des négoces sous d'autres cieux s'érige en maître chez nous. En apparence, les montures contrefaites ressemblent aux autres, et seul l'oeil d'un professionnel peut détecter la différence. «Ces montures sont faites à base de déchets plastiques et ferreux recyclés dans des conditions que personne ne connaît. Ces mêmes produits peuvent provoquer chez leurs utilisateurs des allergies et des maladies de la peau», clament les spécialistes. De plus, depuis quelques années la contrefaçon a touché le verre solaire de confort d'abord, puis le verre médical. Un opticien exerçant depuis plus d'une décennie à Alger a confié: «Pour le verre solaire, il y a un risque énorme pour l'oeil qui se croit protégé contre les rayons ultraviolets alors qu'il ne l'est pas.» Plus explicite, une autre opticienne exerçant à la rue Didouche Mourad affirme que les atteintes de l'oeil seront irréversibles surtout au niveau de la rétine. En ce qui concerne le verre de correction, les dégâts sont aussi importants car les verres contrefaits présentent un foyer optique décalé qui détériore l'oeil en provoquant des décollements de la rétine et des astigmatismes (doublure du contour d'un objet, ndlr). Un contrôle strict inexistant, les vendeurs font toujours la loi. Interrogé, un jeune de 22 ans, originaire de Ruisseau, soutient, mordicus, que sa marchandise, des produits contrefaits, est soignée «Ces lunettes sont fabriquées en Chine», a-t-il lancé à notre encontre, faisant semblant d'ignorer que ce pays excelle dans la contrefaçon quand il s'agit des produits à exporter vers des pays comme le nôtre. Un ophtalmologiste rencontré à son cabinet à El Biar souligne que «l'excès de luminosité et surtout les ultraviolets endommagent les yeux. Le cristallin perdra de sa clarté et de sa transparence. Son altération entraînera progressivement une cataracte.» S'agissant du choix de la monture, ce spécialiste préconise des montures larges et enveloppantes car elles ont la particularité d'offrir une protection contre la lumière latérale et contre la réverbération. Précision de taille. Un avertissement même. Ce spécialiste estime que le port de ces lunettes ne répondant à aucune norme peut mener jusqu'à la perte de la vue. Et d'ajouter que si le nombre de personnes atteintes de cécité a augmenté, l'usage de ces produits non originaux y est pour beaucoup. Qui a favorisé la prolifération de ce commerce illégal? La réglementation douanière qui veille normalement à la santé du citoyen, surtout en ce qui concerne les denrées alimentaires, regarde ailleurs quand il s'agit de lunettes et produits dérivés car ce ne sont pas quelques dizaines de paires de lunettes solaires qui sont proposées mais des milliers d'articles qui s'adressent à une clientèle diversifiée. L'exemple des lunettes pour presbytes est édifiant. Les «consultations» se font sur le trottoir où le revendeur s'improvise en ophtalmologue et opticien. Il «ausculte», «conseille», propose et vend un produit qui est censé se négocier uniquement sur prescription médicale. Victime de ce marché informel, un opticien lance un appel aux institutions concernées pour intervenir. Il y a urgence. La mort dans l'âme devant la prolifération de ce commerce informel, Y.B., 60 ans, opticien diplômé de Bruxelles, déclare: «J'ai abdiqué après un long combat, car c'en était un. La concurrence déloyale a fini par avoir raison de ma détermination. Je ne parle pas uniquement des produits proposés sur les trottoirs.» La complaisance de certains opticiens a largement contribué à la floraison de ce marché. A se fier aux propos de Y.B., un verre ordinaire, à titre d'exemple, se négocie chez un grossiste à hauteur de 120DA et l'opticien le revendra à hauteur de 200DA. «Le verre non traité coûte à peine 30DA au prix de gros», a-t-il ajouté. Supercherie. Le spécialiste accuse certains de ses confrères assermentés de vendre des montures contrefaites à 1600, voire 2000DA. «Ce n'est qu'une pâle imitation, dangereuse pour la santé», a-t-il conclu. Et dire qu'au volant la vue c'est la vie.