Devant une ancienne machine à écrire, avec à portée de la main un paquet de cigarettes de marque locale à moitié vide et un café sûrement froid, puisque là depuis belle lurette, Amar, 40 ans, marié et père de deux enfants, guette les passants qui se font rares en ce samedi. «C?est le lendemain de l?Aïd et, de surcroît, de nombreux services publics ne travaillent pas aujourd?hui», explique Amar qui exerce ce métier depuis 13 ans. Amar est un excellent francophone, mais «j?ai beaucoup de difficultés à rédiger en arabe», avoue-t-il. Ce handicap, il l?impute au système politique et éducatif de l?époque. «On était bilingue, mais la langue de Molière était plus présente et plus enseignée que celle de Nadjib Mahfuz.» Amar est pourtant plus chanceux que nombre de ses confrères, puisqu?il habite près du Centre des chèques postaux qui abrite la place où il travaille. Chaque matin, il met sur sa petite table rouge de 60 cm sur 50 cm environ, une machine de marque Olivetti, un modèle des années 1950, et un paquet de feuilles blanches. C?est le décor improvisé du «bureau», en plein air, de Amar qui était professeur de musique andalouse, mais qui, pour des raisons pécuniaires, a décidé de faire ce métier qui lui rapporte trois fois plus.