Craintes «J?aime Mohamed, mais j?ai peur de me marier et surtout d?être une mauvaise mère, j?ai peur de détruire mon foyer et d?être aussi brutale que l?a été mon frère. Je ne sais plus comment faire.» «Ce jour-là, mon frère aîné s?est jeté sur moi comme une bête sauvage parce qu?il m?a vue parler à un camarade de classe. J?ai reçu des coups de pied à la nuque et au ventre. Sa colère était tellement grande qu?il m?a envoyé une chaise sur le visage : j?ai eu la nuque et le nez fracturés. Je me suis évanouie, ce sont mes autres frères qui sont venus à mon secours voyant qu?il allait me tuer», raconte Wafia. Ce jour-là, elle sera évacuée dans un état critique à l?hôpital où elle sera hospitalisée pendant un mois. Quelque temps plus tard, elle subira une intervention chirurgicale au niveau du nez et devra porter un plâtre au cou. «Mohamed m?encourage ; c?est ce qui m?aide à tenir le coup.» Ses grands yeux noirs brillent, des larmes commencent à couler. Elle pleure comme une fillette prostrée. Dur pour elle d?évoquer un drame qu?elle a vécu il y a près de dix ans maintenant et qui refait surface pourtant. «J?ai tenté d?oublier, de panser mes blessures, mais ce n?est pas facile. Battre un être humain avec autant de rage et de haine, c?est le réduire à l?état d?esclave, lui ôter son humanité et ne pas le respecter. J?avais compris, ce jour-là, ce que j?étais aux yeux de mes frères qui ont assisté à la scène, passifs.» Aujourd?hui, Wafia va se marier avec Mohamed, un jeune de 30 ans. Elle l?aime, mais craint toujours les répercussions de la violence qu?elle a subie sur sa vie d?épouse et de mère. «Il est tendre et compréhensif, mais dès qu?il y a un malentendu, je le crains. Dès qu?il hausse le ton, c?est la fin. J?ai peur, mon c?ur bat très fort et je pleure. Je revis la même scène. J?ai peur de gâcher ma vie et d?être une mère violente.» Wafia a 28 ans, ses parents sont divorcés, son père ne vivait pas avec eux, ce qui a accentué et encouragé la tyrannie de ses frères. «Si ma mère tentait d?agir, ils la bousculaient violemment, pourtant, c?est une femme âgée. Le seul langage que tenaient mes frères était celui de la brutalité. J?avais perdu le sommeil, je ne sortais plus, j?avais honte tout le quartier connaissait la vie que l?on menait, mes s?urs et moi. J?ai détesté un moment les hommes et j?ai toujours peur de me lier à Mohamed, c?est terrible, j?ai peur et je ne suis pas sûre de moi.»