Foi La famille Haigh est connue pour sa piété : une piété à la limite du fanatisme, le père étant président d?une secte chrétienne qui prône le salut par la repentance et l?exercice religieux. En ce début du XXe siècle, Stamford, en Angleterre, est une ville de contrastes : à côté des quartiers cossus où vit la bourgeoisie, il y a les quartiers misérables où s?entassent les familles ouvrières. Luxe insolent des belles maisons, aux jardins bien taillés, d?un côté, misère des bicoques crasseuses où manque le nécessaire, de l?autre. Ce matin froid de janvier, les dames de charité, qui viennent rendre visite aux pauvres, doivent soulever les pans de leurs belles robes pour ne pas les salir aux ruisselets d?eau à la couleur douteuse qui serpentent entre les baraques. Une des dames pousse la porte d?une baraque. ? Madame Haigh ? ? Oui, dit une voix, au fond d?un lit, je suis là, entrez mesdames, je vous attendais ! Les dames entrent. ? Comment allez-vous, madame Haigh ? Avez-vous récupéré depuis votre accouchement ? ? Oui, oui, grâce à vos dons généreux ! Une des dames se penche sur le berceau où dort un bébé. ? C?est un ange de Dieu ! ? N?est-ce pas qu?il est beau ?, fait la mère attendrie. ? Et les langes qu?on lui a apportés la dernière fois, lui tiennent-ils chaud ? ? Oh oui, mesdames, sans votre don, il serait mort de froid, le pauvre chéri ! ? Eh bien, aujourd?hui, nous lui en apportons d?autres, ainsi que des vêtements pour vos autres enfants et pour vous ! ? Dieu vous bénisse, mesdames, je prie chaque jour pour vous ! Elle se retourne vers un crucifix accroché à un mur, joint les mains dans un geste de prière et se met à prononcer des mots à peine audibles. Les dames regardent autour d?elles. Il n? y a pas un crucifix mais dix, accrochés aux murs, il y a aussi des images de la Vierge Marie ainsi que celles de saints. Les dames de charité connaissent la famille Haigh pour sa piété : une piété à la limite du fanatisme, puisque le père est le président d?une secte chrétienne qui prône le salut par la repentance et l?exercice religieux. Le petit John, qui dort tranquillement dans son berceau, n?est pas encore soumis à cette ambiance de ferveur religieuse, mais une fois sorti de ses langes, il y sera plongé entièrement. ? Nous sommes pauvres, va lui répéter souvent sa mère, mais Dieu nous a donné la foi ! Une foi qui nous sauvera dans l?au-delà et nous conduira au Royaume des bienheureux ! Alors, qu?importe s?il a faim ou s?il n?a pas de chaussures. L?essentiel, c?est qu?il ait la foi ! Et lorsque quand même il proteste ou demande quelque chose qu?on ne peut lui offrir, on lui ordonne de se mettre à genoux devant un crucifix. ? Demande vite pardon à Dieu, avant qu?il ne t?arrache ta vilaine âme ! (à suivre...)