Chamboulement Par le passé, les détenteurs des diplômes universitaires étaient désignés comme la crème de la société ; aujourd?hui, ils sont des laissés-pour-compte. Par le passé, il suffisait de faire des études pour assurer son avenir. Le baccalauréat était une marque de réussite, mais surtout une preuve d?intelligence. Quant au diplôme universitaire, il était synonyme de prestige. Avec un tel laissez-passer, nulle crainte quant à avoir sa place au soleil et nos aînés le reconnaissent volontiers. Les détenteurs de diplômes se comptaient sur les doigts d?une main. Ils étaient identifiés comme la crème de la société. A présent, les choses sont inversées et tout est chamboulé. Les futurs diplômés paniquent à l?idée de terminer leurs études. Ils savent pertinemment que c?est la galère qui les attend. Et ceux qui arrivent à avoir un boulot acceptent souvent des conditions pas toujours à la hauteur de leurs compétences. Mais qu?est-ce qui a bien pu changer ? Quelles sont les raisons qui font que le diplôme est dévalorisé ? Les brebis galeuses et les rouspéteurs aux idées franchement révolutionnaires ne sont pas tolérés. Il y a comme des velléités d?uniformiser. «La dépermanisation ?» Dans le jargon propre à la doctrine du libéralisme, on use d?un lexique plutôt rassurant. Ainsi les termes : mobilité, flexibilité et formation continue sont constamment repris pour signifier que ce modèle économique est idéal pour préserver sa liberté. Or, en dépit d?un glossaire pompeux, nimbé de discours hasardeux et dangereusement insidieux, la réalité est que la «dépermanisation» de l?emploi constitue le dogme du libéralisme. Elle induit la précarité tant redoutée par les créateurs : journalistes, chercheurs, artistes, écrivains, etc. La masse des intellos en connaît un bout. La précarité de cette frange de la société n?est pas celle des chômeurs habituels sans diplôme, artisans ou autres, c?est une fragilité plus pernicieuse et plus sournoise. Celle des contrats à durée déterminée et à répétition, hasardeux, mal rédigés, mal explicités ou enfin truffés d?obligations, mettant le contractant au pied du mur. Ce dernier n?a plus qu?à se laisser tondre la laine sur le dos. Derrière le prestige de façade de la profession, se cache la situation aléatoire liée à la couverture sociale et aux droits sociaux. Cette réalité ubuesque est la partie immergée de l?iceberg. C?est le résultat d?un ultralibéralisme sauvage qui touche directement et de plein fouet les forces vives de la nation : une génération bardée de diplômes, polyvalente, créative mais délaissée par le système.