Récit Il fronce encore les sourcils. Il n?aime pas du tout quand sa femme lui parle sur ce ton. En ce mois de juillet, il fait une chaleur étouffante, mais dans le luxueux bureau d?Ahmed, au dernier étage du non moins luxueux immeuble de son entreprise, il fait bon. La climatisation est à fond et un diffuseur répand dans l?atmosphère une agréable odeur de citron. La voix de la secrétaire de direction retentit à travers le combiné téléphonique : «Téléphone, monsieur.» Ahmed, occupé à compulser un dossier, fronce les sourcils. ? Khadidja, je vous ai dit que je n?étais là pour personne ! ? C?est votre épouse, monsieur ! ? Je ne suis là pour personne? Je l?ai dit aussi à ma femme, tout à l?heure, quand elle m?a appelé ! La secrétaire insiste. ? Elle dit que c?est urgent, monsieur ! Ahmed fronce les sourcils. Est-ce vraiment urgent ou veut-elle lui parler encore de son médecin qu?il doit voir pour son c?ur qui bat trop vite ? Il lui a, pourtant, dit qu?il irait voir son médecin plus tard, car, pour le moment, il n?en a pas le temps. Il est tenté de clouer le bec à la secrétaire, mais il se ravise, pensant que, peut-être, quelque chose de grave est arrivé. ? Bon, dit-il, passez-la moi ! La voix de Fadhela retentit aussitôt : ?Tu mets tout ce temps pour répondre ? Voilà presque cinq minutes que j?attends ! J?ai essayé de t?appeler sur ta ligne directe? ? Je l?ai bloquée, je n?ai pas le temps de recevoir des coups de fil? Tu as dit que c?est urgent? ? Oui, dit Fadhela contrariée, ça te concerne, ça concerne ta famille? Ta belle-s?ur a appelé du village, ton frère est très malade. Il fronce les sourcils, contrarié. Son frère? mais il est brouillé avec lui depuis quelques années. ? Mon frère, que veux-tu que je lui fasse ? ? Il est très malade ! Sa femme dit qu?il veut te voir ! Il ricane. ? Me voir ? La belle affaire ! Je ne suis pas médecin. Si c?est d?un médecin qu?il a besoin et que, comme à l?accoutumée, il n?a pas d?argent, je vais lui en envoyer ! ? Ahmed, tu ne parles que d?argent ! Tu ne comprends donc pas que ton frère est à l?article de la mort est qu?il veut te voir une dernière fois ? ? Pour me demander pardon des coups qu?il m?a faits ? ? Pourquoi pas ? Tu n?es donc pas musulman ? Tu n?as donc pas de c?ur ! Ahmed fronce encore les sourcils. Il n?aime pas quand sa femme lui parle sur ce ton. ? Bon, bon, nous en parlerons plus tard, pour le moment, je suis pris. ? La mort ne va pas t?attendre? Il raccroche et se remet à son travail. (à suivre...)