Que s?est-il passé ou que se passe-t-il donc pour que l?ANP se dise prête et consentante à accepter le verdict des urnes, même si celles-ci se révéleraient une véritable boîte de Pandore ? C?est connu : la Grande Muette ne parle pas pour ne rien dire. Et lorsque le général de corps d?armée Mohamed Lamari multiplie les déclarations sur la prochaine présidentielle, il y a de quoi ouvrir très large l?éventail des supputations et des interrogations. Il avait commencé par affirmer que ce n?est pas à l?ANP de faire les présidents, que l?institution militaire reconnaîtra le vainqueur des urnes même s?il est issu du courant islamiste. Quelque temps après, le même général précisera davantage sa pensée, ou plutôt celle qui prévaudrait dans la plus haute hiérarchie militaire : «L?état-major de l?armée acceptera le prochain président de la République même s?il s?appelle Abdallah Djaballah.» Un Djaballah qui n?a pourtant pas renoncé à son idéal d?un Etat théocratique et toujours lié à l?internationale des Frères musulmans. Il est vrai que le général Mohamed Lamari a pris la précaution de dresser des garde-fous : «J?estime que l?élection d?un président de la République appartenant au courant islamiste n?est pas un problème. Pour autant qu?il respecte la Constitution, la démocratie et le multipartisme, il ne représenterait aucun obstacle. Mais s?il lui prend d?emprunter la voie du parti dissous, il trouvera l?armée en face, conformément à sa mission constitutionnelle.» Cette ligne rouge tracée, il n?en demeure pas moins que les choses ont dû bel et bien évoluer au sein d?une ANP taxée d?éradicatrice, étiquetée d?armée politique qui refuse de rentrer dans les casernes et qui s?est arrogé le droit de faire et de défaire les présidents de la République. Que s?est-il passé ou que se passe-t-il donc pour que l?ANP se dise prête et consentante à accepter le verdict des urnes, même si celles-ci se révéleraient une véritable boîte de Pandore ? Il est vrai que le changement a été annoncé et amorcé en 1999 lorsque cette même ANP a cautionné ? même si elle s?en est maladroitement défendue ? la candidature et la victoire, pour la première fois dans l?histoire du pays, d?un civil en la personne de Bouteflika. Et voilà qu?aujourd?hui, alors que la course à la présidentielle d?avril 2004 est ouverte, l?ANP veut encore surprendre, à défaut de séduire. Elle donnera le salut militaire à un Abdallah Djaballah si la vox populi lui ouvre les portes d?El-Mouradia. Mais en fait, est-ce bien cet islamiste pur et dur qui est sur les tablettes de l?institution ? N?est-il pas plutôt un leurre ? Et comme le ferait un prestidigitateur exhibant de son chapeau l?oiseau tapi auparavant on ne sait où, ce serait un autre nom qui serait avancé. Celui de Ahmed Taleb Ibrahimi par exemple ? Un Taleb auquel on est en train de supprimer toutes les embûches pour prendre part au rendez-vous électoral.