Chorégraphie La pièce de Kader Attou, a été jouée jeudi par le Centre culturel français en partenariat avec les Etablissements Arts et Culture. Au départ l?espace est vide, sans âme et sans esprit, dépourvu de sens et de matière, un espace froid et sans personnalité, sans identité ; et puis, soudain, la scène est envahie, investie ; elle s?emplit de corps qui, multiples et éclectiques, bougent ; ils se meuvent et évoluent au fil de la narration chorégraphique tout en défiant avec une arrogance esthétique les lois de la gravité. Les mouvements des danseurs, protéiformes, s?enchaînent les uns après les autres pour dessiner l?espace scénique et fixer, çà et là, sa géométrisation qui, elle, identifie la spatialité et rend compte d?une existence vive et imagée. Le spectacle se présente en deux parties. La première chorégraphie s?intitule El-sabrine qui, interprétée par la compagnie chorégraphique hip-hop d?Alger Les Chriki?s, signifie «ceux qui sont patients». Le premier tableau s?ouvre sur une scène vide, puis, les sujets y entrent pour s?y positionner, y inscrire leur personne, d?abord lentement, silencieusement et dans des déplacements feutrés, discrets et même parfois serrés ; ensuite, lorsque le tempo est donné, les jeunes danseurs se lancent, çà et là, sur des rythmes aussi différents les uns que les autres et sur des musiques arabo-andalouses et électroniques ; ils se projettent dans l?espace devenant le leur dans un élan instinctif, fortuit, dans une théâtralité qui ravit, et dans un jeu de mouvements mêlant des images traditionnellement hip-hop à celles puisées avec une ponctualité chargée d?émotion dans une inspiration contemporaine. L?élément contemporain vient rendre la gestuelle plus accentuée, plus actuelle. Ces jeunes danseurs au nombre de 8, débordant d?entrain et de force, veulent dire, à travers le corps, leur envie d'être reconnus comme danseurs hip-hop dans une Algérie où il est difficile de revendiquer la nouveauté, l?originalité et d??uvrer dans la création et dans la diversité. Et avec des chorégraphies spectaculaires et des solos d?une fulgurance étonnante, ils montrent de fort belle façon ? et avec une conviction certaine ? que la jeunesse algérienne a de l'énergie, et qu'elle ne demande qu'à exploiter son dynamisme de manière positive. Plus tard, et en seconde partie, Accrorap, une compagnie chorégraphique française dirigée par Kader Attou, un jeune chorégraphe d?origine algérienne, entre en scène et occupe l?espace pour présenter Douar, une chorégraphie qui, parlant de rêve et de liberté et racontant, par ailleurs, l?exil et la douleur ainsi que la difficulté à assumer une double culture, projette une belle rencontre entre de jeunes danseurs hip-hop algériens (d?Alger) et français (d?origine algérienne) ; la rencontre, qui jette un pont entre ici et là-bas, entre hier et aujourd?hui, s?est joliment traduite par la mise en scène d?une confrontation de corps qui, tantôt musclés tantôt souples, à la fois virils et sensuels, abondent, déambulent sur scène, en mélangeant les rêves ainsi que les imaginaires dans une débauche de gestes et de mouvements, le tout est configuré dans une scénographie poétique qui, assisté par un remarquable jeu de lumière, provoque, surprend et suscite aussi notre sensibilité.