Récital Pour son sixième numéro, «Echos de plumes», un rendez-vous bimensuel qui se tient au théâtre national, a accueilli, dimanche, Samira Negrouche, poétesse, pour la lecture de sa poésie. Ce qui plaît chez Samira Negrouche, c?est bien sa façon de dire le poème, de le déclamer ; c?est bien cette manière de formuler lentement les mots, de les énoncer dans un rythme langoureux, tel un débit capricieux, une coulée onctueuse, veloutée. L?intonation aux traits lascifs suscite les sens, capture l?ouïe ; elle ravit l?oreille toute sensible à la musicalité des mots dans une séduction faite d?harmonie et de beauté. Samira Negrouche baisse la voix, presque haletante pour se lancer, une fois encore, infatigable, dans une parade nouvelle de mots épidermiques, dits sur le même ton, la même tonalité et avec le même accent toujours suggestif et qui sollicite attention et faveurs supplémentaires. Samira Negrouche scande sa voix, multiplie ses paroles, sculpte ses mots, des mots en bleu, aériens, se mouvant dans une danse aquatique ; des mots de désir, d?orgueil ; des mots agissant comme un breuvage, un élixir enivrant jaillissant du néant, gémissant, faisant naufrage ; des mots aussi tremblants, éclatés, furtifs ; enfin, des mots qui, sculptés, se réveillent, se révèlent dans une existence nouvelle, clamant avec ferveur, une nouvelle symphonie. Sa poésie, qui, méditerranéenne, se dit dans un agréable chuchotement, est une quête ardente de soi, de l?autre à travers une course océanique sempiternelle. La poésie est un océan dans lequel les mots que la poétesse incarne, des mots aux voix résiduelles, s?embarquent dans un élan de fortune, à l?infini, vers des horizons lointains, inexplorés, à la recherche d?un amour endormi, elle s?en va d?un c?ur battant, d?un corps qui bat, frémit au moindre mouvement, à la moindre intonation vocalique prononcée dans un balbutiement érotique. Et dans les yeux d?une amante inconnue, d?un ami disparu, la muse, emplie d?émoi, plonge, s?évanouit. Elle se lâche, se laisse noyer dans ce vaste océan qu?est la poésie ; elle se laisse emporter dans les abysses troublants de l?amour voilé, caché dans une retraite mystérieuse, inconnue ; elle se laisse entraîner jusqu?au fond par les courants du désir de s?accomplir, de communier avec l?autre, avec des mots qui savent l?aimer. L?instant poétique, coupé de sa temporalité, est prolongé à l?infini pour permettre à la poésie de garder, celle qui désire et dit les mots, en vie, en éveil pour mieux la contrôler, jouer d?elle dans un jeu érotique.