Rencontre n Le Centre culturel français d'Alger initie, depuis, hier, dimanche, et ce jusqu'à jeudi, des journées consacrées à la poésie… Si l'hirondelle, avec son envol juste, net et distinct, élégant et gracieux, annonce tout en joie le printemps, celui-ci avec son parfum enivrant prête le temps aux poètes, le temps de dire des mots, de les mettre en espace, de les jouer sur le papier ou sur scène. À cet effet, et pour la deuxième année consécutive, le Centre culturel français d'Alger initie, depuis dimanche et ce jusqu'à jeudi, des journées consacrées à la poésie : de la poésie dite, de la poésie écrite ou de la poésie jouée. Des mots, juste des mots bien pensés, joliment écrits, élégamment déclamés. Cette première journée a été marquée, dans un premier temps, par un récital poétique : des poèmes lus par Samir El-Hakim et Caroline Michel. Tantôt une lecture croisée, tantôt une lecture conjointe. Ces poèmes de Tahar Djaout, de Kateb Yacine, de Jean Sénac, de Charles Juliet, de François de Comière, d'Yves Bonnefoy, de Nassima Azzouz, de Zhor Zerari et de bien d'autres, étaient disposés sur des lutrins, et ces pupitres étaient répartis, çà et là, à travers le jardin du Centre culturel français, et tour à tour, ou parfois ensemble, Samir El-Hakim et Caroline Michel, allant d'un lutrin à l'autre, disaient les mots, les racontaient et parfois les soufflaient. Plus tard, et dans un deuxième temps, et après avoir déambulé langoureusement dans les mots, les adeptes du verbe – du vers – découvrent, à l'intérieur, dans la salle d'exposition, une installation réalisée par Omar Meziani. Cette scénographie est organisée autour du mot, donc autour de la poésie. Sur le sol, un entassement de sable déposé de manière à dessiner une forme rotatoire. Au milieu des morceaux de miroir recomposés de manière à reconstituer une forme circulaire, et sur chaque quartier de verre sont inscrites des parcelles de mots, et lorsque toutes les pièces sont regroupées des vers s'offrent à notre regard. Ensuite, sur les murs sont accrochés des tableaux : sur chacun est retenu à l'aide de ficelles de corde un recueil de poèmes ; celui-ci est ouvert. Le public peut y lire des poèmes de Samira Negrouche, d'Abderrahman Djelfaoui… Sur d'autres murs sont accrochés des tissus (au toucher de papier) sur lesquels sont écrits des poèmes. Il est à souligner que ce parcours poétique a été réalisé avec le concours des étudiants de l'Ecole des beaux-arts. Enfin, et dans un troisième temps, le public est invité à assister à une performance théâtrale qui a pour titre Encore plus demain : une mise en espace de textes d'Isabelle Pinçon par Arno Chéron dans une scénographie de François Bunel. Quant à l'interprétation, elle revient à Caroline Michel qui a joué des mots. Elle leur a donné corps et vie en les chargeant d'expressivité émotionnelle. Le décor est composé d'un fatras d'objets disposés d'une manière éparpillée, çà et là, à travers la scène : il est composé de bocaux, de lampes de cheville, de verres à pied, d'un tabouret et d'un téléviseur sur lequel défilent des images. Dans ce décor pagailleux, Caroline Michel joue un personnage féminin, une femme solitaire qui a perdu son amant, et qui, en ce moment, en cherche un autre, mais toujours avec le souvenir du premier. Elle raconte et se raconte mêlant doute, hardiesse, tristesse, affection à l'euphorie, le tout se mêle à l'allégresse érotique. Dans cette pièce, ce n'est certainement pas l'histoire qui semble intéresser l'assistance, mais c'est bien le texte : ce sont les mots, la façon dont ils sont dits, modulés, exprimés par l'intonation, la voix, c'est la manière dont ils sont mis en espace qui confère au jeu toute sa densité et sa matérialité, sa beauté et sa sensibilité. Le public ne prête pas attention à l'histoire, mais il est concentré sur les mots et la façon de rouler dans l'espace scénique. C'est une histoire de mots.