La tragédie algérienne n?a pas encore livré tous ses dessous. Chaque jour, un coin de voile est levé sur cette page sombre de notre histoire. Juges et procureurs y auraient une part importante de responsabilité, selon Me Farouk Ksentini. Ils auraient failli à leur devoir et contribué «à la violation des libertés individuelles». C?est ce qu?a déclaré Me Ksentini, hier, au forum du journal arabophone El-Youm. Le président de la Commission nationale de la promotion et de la protection des droits de l?Homme étaye sa sentence : «Les juges auraient dû refuser de traiter des dossiers leur ayant été remis, de personnes dont la période de détention avait dépassé le délai fixé par la loi. Celui-ci est de 12 jours maximum alors que certains accusés étaient arrêtés depuis 3 ou 4 mois.» Juges et procureurs ont, selon l?invité du forum, contribué à la multiplication du nombre de dossiers de violation des libertés individuelles. Il a considéré que quelle que soit la complexité des enquêtes, elle ne pouvait en aucun cas justifier un tel état de fait. Me Ksentini lave, par ailleurs, les institutions de tout soupçon : «Les institutions n?ont jamais toléré que leurs agents se rendent responsables de dépassements. Elles ont été mises devant le fait accompli», a-t-il déclaré. Cela n?empêche pas l?Etat d?assumer «la responsabilité civile entière de ce qui s?est passé», a-t-il affirmé. Parmi les conséquences de cette tragédie, 3 300 personnes enterrées sous X et 6 146 disparus. Le président de la Cnppdh, qui a rendu ces chiffres publics hier, a déclaré qu?ils étaient le résultat de multiples «entretiens tenus avec plusieurs terroristes repentis». 3 300 cadavres n?ont pas été identifiés jusque-là, mais cela n?est pas impossible, selon Me Ksentini qui a précisé que «l?identification peut se faire via le recours au procédé ADN que nous pensons, en tant qu?institution, être une technique réellement fiable». Me Ksentini a souligné que ces corps sont bel et bien ceux des «victimes du terrorisme». Il ne s?agit pas de «disparus». A ce sujet, le président du Cnppdh rappelle avoir remis, en date du 31 mars dernier, le rapport rédigé par la commission ad hoc, installée le 20 septembre 2003, sur la problématique des disparus, au président de la République Abdelaziz Bouteflika. Le rapport faisait état de 6 146 disparus recensés, un chiffre établi sur la base du fait que «de 1992 à 1997, ce sont quelque 500 000 Algériens qui ont été interpellés par les forces de l?ordre pour des faits liés au terrorisme, 6 146 parmi eux n?ont jamais comparu devant la justice pour jugement».