Il appelle l'Etat à dire la vérité sur le sort des disparus par le biais de ses agents. La raideur de la réplique aura été à la hauteur de la brutalité de l'attaque. Il a suffi donc qu'une phrase: «L'Etat est responsable et non coupable» soit prononcée par Farouk Ksentini, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh) la semaine dernière, au Centre de presse d'El Moudjahid, alors invité à faire le point sur l'évolution des droits de l'homme, pour provoquer une levée de boucliers, pour le moins inattendue, sur la question des disparus. Aprement pris à partie par une pléthore de critiques «incisives» qui lui ont été adressées mezza voce, mardi dernier, par Ali Yahia Abdenour, le président de la Laddh, le premier responsable de la Cncppdh n'entend pas rester cloué, ainsi au pilori, surtout qu'il y va de la crédibilité des deux instances qu'il préside (il est également responsable de la commission ad hoc sur les disparus) qui y est, de ce fait, visée. Tout en se prévalant d'un «fair play» que sa fonction exige, Me Ksentini, que nous avons rencontré hier à Alger, n'a pas été sans égratigner, à son tour, le patron de la Laddh dont la sortie médiatique «déplacée», dit-il, constitue notamment une erreur de jugement. Explication donnée: usant d'une rhétorique digne des robes noires, notre interlocuteur, au sujet de sa «fameuse» phrase, indique, que l'Etat demeure non coupable parce qu'il demeure , à ce jour, sujet à la présomption d'innocence d'où, au demeurant, l'inexistence de preuves l'accablant. Responsable, par contre, du moment qu'il a le devoir constitutionnel de veiller sur la sécurité des biens et des personnes. Il a répondu, du tac au tac, à toutes ces attaques commençant surtout par cette histoire d'«opération» politique commanditée par le président de la République par le biais, bien sûr, de la commission ad hoc, afin d'estomper sinon de clore carrément le dossier des disparus. Une démarche que le vice-président de la Laddh, Hocine Zehouane, avait étayée en affirmant l'octroi, par la commission de Ksentini, d'une indemnité d'un million de dinars pour convaincre les familles de disparus de l'inutilité de la poursuite des recherches. Autrement dit, acheter leur silence d'une manière ou d'une autre. Sans ambages a été la réaction de Ksentini qui rejette catégoriquement cette «fabulation». Les «aides» sociales proposées, dans ce cadre, sont non seulement, dit-il, dénuées de calculs politiques mais elles constituent, au contraire, un moyen pour atténuer, un tant soit peu, l'ampleur de la misère sociale de la majeure partie de ces familles. Quant au montant de 1 million de dinars, donné par les avocats de la ligue, Ksentini s'est dit étonné du moment que cette question ne relève pas des prérogatives de l'institution qu'il gère. Il explique: «C'est au chef du gouvernement, qui a inscrit le dossier des disparus dans les priorités de son action, de proposer la somme des indemnités à l'approbation de l'Assemblé populaire nationale.» En écho à l'information, communiquée également par Me Ali Yahia, faisant part de l'exclusion des disparus du traitement par l'ADN qu'aurait même soutenue Me Ksentini, ce dernier, tout en réfutant l'accusation, précise que la mesure concerne «logiquement» les disparus par le fait du terrorisme, en termes plus clairs, les cadavres retrouvés dans les charniers et les fosses communes qui seraient assassinés par les terroristes islamistes, comme ceux, découverts à Toulmout dans la wilaya de Blida il y a tout juste quelques jours. Qu'en est-il, par contre, des disparus des faits des agents de l'Etat? «On ne connaît pas encore leur sort. Je ne peux pas demander le traitement ADN pour des personnes dont on ignore, encore, l'existence», a argumenté le président du Cncppdh. Cela dit, il n'y a aucune raison, selon lui, de justifier le mutisme dans lequel s'est muré l'Etat à ce propos. «Il faut qu'il [l'Etat] dise la vérité sur le sort des personnes qu'il détiendrait», a-t-il ajouté. Interrogé, par ailleurs, sur les centres secrets dans lesquels sont détenus nombre de personnes, une information rapportée par l'association SOS Disparus, M.Ksentini affirme n'avoir aucune précision à ce sujet et avoue ne pas être porté sur de telles «allégations». A propos des charniers, il appelle à la généralisation du traitement ADN à tous les cadavres découverts dans ces lieux macabres. Au sujet de l'atteinte, par les pouvoirs publics, aux libertés, il dit militer pour le maintien de l'état d'urgence en raison de la «persistance des actes terroristes» sans pour autant, a-t-il tenu à ajouter, en faire une occasion pour les réduire. De là, il réitère son soutien à la liberté de la presse et souhaite voir libérés, le journaliste Hafnaoui Ghoul et le directeur du quotidien Le Matin.