«Ils recherchent l?autoreconnaissance», disent les sociologues à propos des jeunes tagueurs. «Quand j?étais jeune, j?ai copié des graffitis», a dit Picasso. Les jeunes, eux, ne cherchent pas trop à comprendre. Pour eux, le mur est tout simplement un espace d?expression. «Je préfère taguer que me droguer», dit un Algérois. L'homme préhistorique, notre ancêtre, s'exprimait, déjà, sur les murs. Les préhistoriens baptisèrent cette expression, art rupestre. Plusieurs thématiques sont abordées par ces hommes préhistoriques, la sexualité, les rites, l'élevage? Depuis, cette terre et ses enfants ont traversé les labyrinthes saccadés du temps ; accompagnés, dans leurs périples par des aspirations, des frustrations, des rêves. Aujourd?hui, plusieurs millénaires plus tard, les jeunes portent sur les murs les mêmes thématiques, sexualité, liberté, rêve. Ils inscrivent des slogans qui jaillissent des entrailles d'une jeunesse insoumise. Une jeunesse qui crache sa vérité sur les murs des bas-fonds des quartiers populaires «contre vous tous», écrit-on, dans une ruelle de Bab el-Oued. Une affirmation exprimée avec une sincérité coléreuse, qui reflète l'état d'esprit qui anime ces jeunes. Sur ces murs se côtoient les expressions de rêves contradictoires, des regrets qui forgent un mental rebelle enfoui depuis longtemps. Ecrire sans censure, telle est la motivation de ces graffiteurs, à la recherche d'une liberté inaccessible, cadenassée par des forces dominantes allergiques à toute expression indépendante. Que reste-t-il à cette jeunesse pleine de fougue et d'amertume ? Le mur comme confident, le graffiti pour véhiculer des sentiments, des idées dans cet immense et inquiétant océan qu'est la société. Telle une bouteille jetée à la mer, ces paroles délivrent de ses angoisses leur auteur.