Si l?injure peut être punie par la loi parce qu?elle constitue un outrage à autrui ou nuit à sa réputation, l?imprécation, daewet ssu?, littéralement «appel au malheur», n?en est pas une, du moins aux yeux de la loi. C?est pourquoi les Algériens en usent et en abusent. «Ya?âtik lmut», dit-on (que ? Dieu ? te donne la mort !) ou «ya?âtik laksidan» (que Dieu te donne un accident ? mortel ? de la circulation), mais les souhaits de malheur se limitent, le plus souvent, à des souhaits de maladies plus ou moins bénignes. Ainsi, les plus répandues sont «ya?âtik ddarsa» (puisses-tu avoir une rage de dents !), «yaâtik h?abba lelsanek» (puisses-tu avoir un bouton sur la langue !), imprécations destinées aux bavards. Yaâtik leksar (puisses-tu avoir une fracture) est plus dure, puisqu?on souhaite que la personne à laquelle on en veut soit immobilisée ; «ya?âtik ta?ûn» (puisses-tu avoir la peste) ou «ya?âtik l?kulira» (puisses-tu avoir le choléra) sont plus graves, bien que l?on ne soit pas souvent conscient de la gravité de ces maux : ces derniers sont, en effet, éradiqués depuis longtemps et c?est seulement grâce aux imprécations que le langage les conserve. En revanche, l?imprécation par le cancer, «ya?âtik lkansir», est tout à fait consciente puisqu?on connaît la gravité de cette maladie. Mais bien souvent, il n?y a pas de souhait de mort ; c?est, comme beaucoup d?imprécations d?ailleurs, un mot sorti sous le coup de colère? Ainsi, lorsqu?on dit, par exemple, à un enfant touche à tout «ya?âtik lkansir lyedek» (puisses-tu avoir un cancer à la main), on ne souhaite pas sa mort, mais on veut juste qu?il arrête de fureter !