On redoute la maladie, al mard?, notamment les maladies incurables, lmard? li ma yebrach, littéralement «la maladie qui ne guérit pas». On a particulièrement peur des maladies qui traînent, qui ne tuent pas mais qui ne guérissent pas : «Bnadem itmermed» dit-on (la personne souffre) et surtout fait souffrir ses proches. C?est pourquoi on dit souvent, s?adressant à Dieu : «Ddawi ula eddi» (guéris ou emporte). La mort est ici préférable à une vie grabataire, faite de misère et de souffrance. D?un malade incurable, ayant perdu son autonomie, on dit «tah?» (il est tombé). C?est bien d?une chute qu?il s?agit, en effet, puisqu?on ne peut plus se relever, on ne peut plus marcher, on n?est plus libre de ses mouvements, en un mot : on dépend totalement des autres. Et quand le malade n?est pas en mesure de se rendre aux toilettes ou ne contrôle plus ses sphincters, on dit «kullech teh?tu», littéralement tout est sous lui, expression que l?on retrouve en kabyle «kullech seddaw-as». «Suffra u suffra lekhrin», dit-on alors (il souffre et fait souffrir les autres). On a beau être aux petits soins avec le malade, on a beau s?occuper de lui, le supporter, on finit par s?en lasser. Ce n?est plus alors le malade qui prononce la formule «ddawi ula ddi» (guéris ou emporte), mais les proches. C?est pourquoi les malades, tout comme les gens en bonne santé, font souvent cette invocation : «Ya Rabbi ma te-tmermed nach ; ula cheft makach ddwa, ddina !» (Mon Dieu, si Tu vois qu?il n?y a pas de guérison, emporte-nous, ne nous laisse pas traîner en longueur !). «Lmut settara» dit-on encore (la mort est une sauvegarde), c?est-à-dire qu?elle évite les humiliations et les avanies. (à suivre...)