Réminiscence Bernardo Bertolucci, le réalisateur du Dernier tango à Paris, a réveillé l'esprit de mai 1968 à la Mostra de Venise avec The Dreamers, un Jules et Jim rock'n'roll entre érotisme, politique et cinéphilie, sur fond de barricades à Paris. Alors que le cinéaste italien arrivait le poing levé au Lido pour présenter hors compétition ce film très applaudi par la presse, un vent de contestation soufflait parmi les festivaliers qui se plaignaient de l'organisation chaotique de la Mostra. Contestation aussi pour Imagining Argentina du Britannique Christopher Hampton, hué et copieusement sifflé par la presse. Ce film, avec Antonio Bandeiras et Emma Thompson, qui évoque sur un ton fantastique le sort des disparus en Argentine, est l'un des vingt en compétition pour le Lion d'or. Dans The Dreamers, Bernardo Bertolucci fait revivre, non sans nostalgie, ce bouillonnement des sens et des esprits, à l'époque où fleurissaient les slogans tels que «sous les pavés, la plage», «faites l'amour, pas la guerre» et «l'imagination au pouvoir». Ses trois jeunes et beaux héros hantent plus la Cinémathèque française, mecque du cinéma, que les AG et les manifs. The Dreamers «n'est pas tant un film sur les évènements de mai 1968, les émeutes et la violence, que sur l'esprit de cette époque», dit le cinéaste, qui a adapté un roman de Gilbert Adair, mais a surtout «vécu lui-même ces évènements de façon très intense». «Il y avait quelque chose de magique dans les années 1960» se souvient, mélancolique, le réalisateur de Avant la révolution. «Nous mélangions cinéma, politique, jazz, rock'n'roll, sexe, philosophie, drogue. Je dévorais tout, constamment en état d'overdose.» C'est à la Cinémathèque française que Matthew (Michael Pitt), jeune cinéphile américain venu du Midwest, fait la connaissance d?Isabelle (Eva Green) et de son frère jumeau Théo (Louis Garrel, fils du réalisateur Philippe Garrel). Dans l'appartement familial déserté par les parents, le trio va se lancer dans une exploration poussée du sexe et des sentiments, oubliant le monde extérieur d'où parvient l'écho des slogans et les effluves de gaz lacrymogènes. Arrivés au bout du voyage, Matthew, Isa et Théo auront grandi et descendront dans la rue rejoindre les manifestants. Bertolucci, qui filme avec sensualité les jeux érotiques et troubles de ces jeunes corps, leur nudité, «la beauté indécente» d'Eva Green, transmet aussi toute sa passion pour le cinéma à travers des images d'archives, des extraits et des dialogues de films culte.