Avec sa zone industrielle, Réghaïa, à 30 km à l?est d?Alger, est censée être une ville riche. Il n?en est rien. Ses habitants doivent se battre avec un quotidien difficile. Elle rit et laisse transparaître la blancheur maculée de ses petites dents. Sa robe rouge est usée. Ses jambes squelettiques se tiennent sur un tas de pierres, à quelques mètres de la baraque que ses parents ont érigée depuis 12 ans dans Hai El-Kerrouch, le plus grand bidonville de la ville de Réghaïa avec ses quelque 650 baraques. Sa poupée, c?est son «amie» avec laquelle elle partage la quasi-totalité de son temps. A six ans, elle n?a pas d?autres ami(e)s, car elle ne va pas à l?école. Djaâfar, le père, ne fait rien pour inscrire sa fille à l?école, car on refuse, malgré son insistance, de lui délivrer la paperasse. «J?ai tout fait par le passé, mais maintenant, je n?en peux plus. J?ai frappé à toutes les portes et on m?a tout le temps refusé le droit d?inscrire ma fille à l?école, un droit garanti par la Constitution». A Haï El-Kerrouch, des centaines de baraques de fortune pullulent. «Au commencement, durant les années 1980, il n?y avait ici que quelques familles qui venaient des régions environnantes, mais avec le terrorisme dans les années 1990, Haï El-Kerrouch a vu le déferlement de centaines de familles. Les gens sont venus de partout. De Médéa, de Berrouaghia, des villages de Bouira et bien d?autres hameaux qui étaient menacés par les hordes terroristes», précise un citoyen habitant le centre-ville de Réghaïa. Il est vrai qu?à cette époque, les gens n?avaient pas où aller. Ils devaient fuir, avec armes et bagages, pour ne pas mourir, mais, aujourd?hui, ce grand bidonville, à l?instar de bien d?autres, est source de maux sociaux inqualifiables. Il y a le banditisme, la drogue, les agressions caractérisées et évidemment la prostitution. «Voilà ce que risque la région avec la prolifération de ces villes immondes», ajoute tristement cet homme. Les habitants de Réghaïa dressent le même constat par rapport à ce qui leur est proposé comme décor piteux avec ces centaines de bicoques de zinc et de tôle. «Je sais bien que les gens qui habitent ces bidonvilles n?ont pas où aller, mais les pouvoirs publics doivent au moins prendre leurs dispositions afin de les reloger sous des toits décents. Vous ne savez pas tout ce que ces bidonvilles ont causé comme désagréments à la ville et dire que Réghaïa était, par le passé, une région paisible.» Pour les élus, en revanche, la solution est sans doute longue à se dessiner. Et pour cause : «Ces centaines de familles sont de véritables cas sociaux. Au niveau de notre commune, nous avons saisi les pouvoirs publics à maintes reprises, mais il est évident que la priorité a été donnée aux opérations entreprises après le séisme. Il fallait commencer d?abord par les sinistrés. Ce n?était pas une tâche facile mais Dieu merci, on est parvenu à reloger tout le monde et il n?existe pas un sinistré dans notre région», plaide un élu de la commune.