Habitude Une fois que l?on goûte au gain facile, il est difficile de se remettre à se retrousser les manches. Batouche sort de sa poche son pistolet de calibre 7,65 mm et tire en l?air pour intimider les gendarmes. Ces derniers se mettent à plat ventre et dégainent leurs armes. M. Hamed, le complice de Batouche profite de la confusion pour appuyer à fond sur le champignon de la 504. La voiture démarre sur les chapeaux de roue dans un infernal crissement de roues. Des coups de feu éclatent, les gendarmes tirent ensemble dans la direction de la 504, pour tenter de l?immobiliser. Leurs tirs font mouche, la voiture lancée à toute allure perd l?équilibre, fait quelques mètres et s?arrête sec. Les gendarmes s?approchent des deux individus, font les sommations d?usage ! «Halte ou nous faisons feu !» Ils s?avancent doucement et demandent aux deux hommes de sortir du véhicule les mains en l?air et de jeter leurs armes. Batouche lance son pistolet aux pieds des gendarmes. En une fraction de seconde, les deux hommes sont maîtrisés, menottés et embarqués pour un interrogatoire en règle. Ce ne sera pas une nouveauté pour eux puisque ce sont tous deux des repris de justice. Batouche, âgé de 38 ans et son complice M?hamed, 41 ans, ont, en effet, derrière eux dix ans de prison chacun. Avant d?avoir purgé totalement leur peine, un «miracle» s?est produit pour eux. La prison d?El-Asnam où ils étaient enfermés a subi de gros dégâts lors du séisme qui a secoué la région. Dans les moments de panique qui ont suivi, presque tous les prisonniers ont pris la clef des champs. Une telle chance ne se produit pas souvent, ils ne la ratent pas et par un heureux concours de circonstances, Batouche trouve dans une habitation à moitié détruite un pistolet de calibre 7,65 mm et une boîte de cartouches. Libres comme l?air, les deux compères s?éloignent de la région, ne donnent aucun signe de vie à leur famille et louent un petit studio sous de faux noms. Ils dorment le jour et ne sortent que la nuit. Comme ils ont besoin d?argent, le seul moyen de s?en procurer est de voler. Seulement, ils ont été échaudés, car c?est à cause d?un vol effectué de nuit, par effraction, qu?ils ont été surpris, arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. Ils se décident donc de changer de fusil d?épaule. Au lieu de voler, ils deviendront désormais des trafiquants de stupéfiants. Ils partent pour Maghnia et ramènent du kif qu?ils revendent aux dealers locaux. En l?espace de quelques mois, ils se font une clientèle fidèle et beaucoup d?argent. Et fini pour eux le menu fretin. Ils achètent une Peugeot 504 et ramènent des pains de kif traité. L?appétit venant en mangeant, les quantités qu?ils ramènent sont de plus en plus importantes. Pour ne pas prendre de risque, ils ont une tactique infaillible. Des complices partent en éclaireurs et signalent à l?aide de talkies- walkies toute présence de barrage sur la route (le mobile n?existait pas à cette époque). Mais un jour, manque de peau, suite à un léger retard, les gendarmes ont mis en place un barrage juste après le passage des éclaireurs. Batouche et M?hamed, confiants, tombent dans le filet. Quand le gendarme qui les contrôle lui demande d?ouvrir la malle où il y avait 40 kg de kif traité, Batouche panique et dégaine son arme pour l?effrayer. Et c?est ainsi que tout bascule pour eux.