Le 28 décembre 1988, à 19 heures, Jacky et Deborah et leur petite fille de neuf mois arrivent à Belle-Ile-en-Mer. Ils sont accompagnés de monsieur et madame W., les parents de Deborah. Ils sont venus pour une courte escapade de fin d'année et ont l'intention de repartir le lendemain. Le lendemain matin, 29 décembre 1988, Deborah, qui a loué une 4L blanche, propose une promenade sur l'un des sites les plus spectaculaires de l'île, la grotte de l'Apothicaire. Monsieur et madame W. sont d'accord. Ils sont toujours d'accord. Lui, soixante-quatre ans, elle, cinquante-trois ans. Deborah est leur fille unique et ils se saignent aux quatre veines pour son bonheur. Depuis deux ans que Deborah est mariée, on peut même dire que ses parents se sont saignés à blanc. A l'heure où ils s'installent dans cette voiture de location, sous le doux soleil de Belle-Ile, monsieur et madame W. sont au bord de la faillite : avec un revenu de 14 000 francs mensuel, ils doivent rembourser 36 000 francs par mois. Ils ont déjà vendu leur résidence secondaire et un immeuble, même leur propre maison, dans la région parisienne, est menacée. Le père est à la retraite, la mère travaille encore, mais financièrement, ils sont au bout du rouleau. Tout commence le 28 février 1986, jour béni, en principe, où Deborah, vingt ans, épouse Jacky, trente ans. Deborah est encore une adolescente, sans passé, douce et immature, sans grande beauté. Elle semble avoir été subjuguée par ce garçon. Il a tout fait dans la vie : pilote d'avion, moniteur de ski, diplômé de mathématiques. Il parle surtout beaucoup et, d'après lui, les femmes se bousculent pour l'épouser. Il prétend que, lorsqu'il a rencontré Deborah, il a brisé le c?ur d'une riche Américaine, et qu'une femme, chef d'entreprise, se meurt d'amour pour lui. Tout faux. En fait de pilotage, il n'a qu'un uniforme dans un placard, pour frimer. Il lui est tout juste arrivé de piloter un ULM pour faire de l'épandage dans les champs. Un gamin de quinze ans en serait capable. Quant au ski, il serait bien en peine de tenir dessus ! Côté mathématiques, il a pris quelques cours par correspondance, pas davantage. Depuis son mariage avec Deborah, les parents font tout pour que le couple s'installe dans la vie. Savent-ils que ce Jacky est un menteur, un amateur de l'argent des autres et un partisan du moindre effort pour l'obtenir ? Il a déjà semé la discorde dans une autre famille, une précédente compagne le décrit comme dépensier et mythomane. C'est même un escroc, puisque la justice l'a déjà arrêté pour des histoires de chèques falsifiés, pour vols et abus de confiance, et qu'il a séjourné deux ans en prison. De cela, il n'a pas dû se vanter auprès de sa jeune épouse. En revanche, au bout de deux ans de mariage, il peut se vanter du reste. Ses beaux-parents lui ont offert généreusement à peu près tout ce qu'il voulait. Chauve ? Monsieur et madame W. payent 25 000 francs pour que le séducteur de leur fille se fasse faire des implants. Puis ils achètent une boutique de vêtements pour lui permettre de prendre un bon départ. Faillite et dépôt de bilan au bout de six mois. C'est aussi la valse des voitures de luxe : Jacky veut une Mercedes, un 4x4, une autre voiture, un autre 4x4 ? Il les aura. Il désire un ULM, un bateau, des voyages... Il les obtiendra. Jusqu'à ce qu'il ne leur reste plus rien. Monsieur et madame W. vendent un immeuble, espèrent faire des affaires immobilières, échouent, recommencent. Lorsqu'il n'y a plus de quoi payer les traites de la voiture, Jacky fait une fausse déclaration de vol et démonte, en douce, le 4x4 de luxe, dans un garage, pour pouvoir toucher l'assurance. (à suivre...)