Inspiration L?artiste a, de tout temps, regardé la vie de trop près. A la galerie Mohamed-Racim, se tient une exposition de peinture du défunt artiste M?hamed Issiakhem. Il s?agit de tableaux inédits appartenant à une collection privée, celle de Nachet, un proche compagnon de l?artiste. L?exposition comprend une série de peintures présentant un monde où viennent se mêler réalisme et poésie. Et ce monde met en relief le travail par lequel s?est distingué l?artiste, un travail marqué par une inspiration jaillissant de son tempérament. D?ailleurs, sa peinture est bien liée à sa psychologie. Ce qui frappe l?observateur examinant les peintures d?Issiakhem, l?une après l?autre, ce sont d?abord les tons, ensuite le décor, enfin les personnages qui l?occupent. Il se trouve que ces trois données convergent vers une même expression : les trois composantes expriment une même émotion, à savoir une profonde mélancolie, voire une tristesse aiguë émanant d?une âme tourmentée, excessivement éprouvée par les vicissitudes de la vie. M?hamed Issiakhem est un artiste triste parce qu?il regarde tout le temps la vie de trop près ; tout ce qui est misérable, sombre, l?accroche, le saisit, l?inspire. Effectivement, le monde que matérialise l?artiste est lugubre et les couleurs sombres (couleurs de nuit, de cendre) laissent suinter tristesse et misère : tristesse intérieure et misère humaine. Les personnages que l?artiste projette sur la surface du tableau sont pratiquement tous des femmes, mendiantes, en haillons, le sourire effacé, tatouées par le poids de la solitude, par les affres de la misère ; des femmes rejetées, exclues par leur environnement social qui ne leur prête aucun intérêt ni le moindre droit. Elles sont là, seules, livrées à elles-mêmes, avec leur lot quotidien de souffrances. Elles y apparaissent seules ou en groupe ; pour certaines, elles sont accompagnées de leur progéniture. Toutes sont pareilles : même attitude, même allure ; le regard hagard, évasif, détaché, perdu dans le vide. Elles sont là, en face de nous, nous fixant de leur regard. En fait, elles semblent ne pas nous voir comme si elles étaient aveugles. Le visage pâle, triste, ces femmes sont stoïques, résistantes cependant. Car derrière ces visages sombres et ces regards fermés se dissimule une profonde générosité, puisqu?elles se montrent toutes affectueuses envers leur progéniture. Elles sont foncièrement maternelles : des femmes tragiques, mais pleines de dignité et de noblesse, de grandeur, de beauté et de générosité ; des femmes qui s?imposent à nous par leur personnalité pleine de fierté ; des femmes sincères, véridiques, étonnantes et qui marquent les mémoires.