Quelque vingt-deux tableaux de M'Hamed Issiakhem inconnus du public ont fait l'objet d'une exposition atypique. Issiakhem est de retour pour faire, une nouvelle fois, l'événement de l'année, voire de la décennie. Il ne s'agit pas évidemment de la Journée nationale de l'artiste dont l'allure s'est «folklorisée» depuis belle lurette et par conséquence, cache très mal le vécu d'une corporation- des artistes- complètement vouée aux gémonies. Jeudi 9 juin, en fin d'après-midi, à la galerie Mohamed Racim à Alger, s'est clôturée, l'exposition de quelque vingt-deux toiles, inédites de M'Hamed Issiakhem que l'association Djazaïr El Assima, avec la précieuse assistance de l'Union nationale des arts culturels (Unac) ont officiellement organisée. Mais, à vrai dire, la réussite d'une telle initiative- car c'en est une - tient, en grande partie - à un homme, ancien moujahid et condamné à mort de surcroît. Son nom est Nachet. Ami de longue date du défunt. C'est lui, en effet, qui a soufflé l'idée aux organisateurs de mettre à la disposition du public et des amateurs de la peinture, deux jours durant, les vingt-deux toiles qu'il avait acquises dans les années soixante-dix, des propres mains du peintre. Pourquoi avoir attendu tant d'années pour délivrer au grand publi el trésor? «Dans les décennies 80 et 90, la situation générale du pays, et celle particulièrement du monde de l'art, ne s'y prêtait pas» lâche le propriétaire sur un ton de fierté qu'il essaie toutefois de dissimuler timidement. Chapeau à ce baroudeur passionné qui fut l'un des compagnons les plus fidèles du tandem Issiakhem-Kateb. Rachid Belhocine, président de Djazaïr El Assima, lui, veut à travers cette «expo-hommage» marquer un coup tout à fait original. Faire simple n'est semble-t-il pas son sport favori. L'immensité du talent du peintre ne permet pas un événement bidon qui passe, comme d'autres, inaperçus de l'intérêt public. L'idée a fait tilt dans sa tête et Nachet, puisant dans sa boîte à trésors, lui a admirablement, donné corps. Et le coup est réussi. Mercredi et jeudi derniers donc, nombreux étaient les passants, les amateurs, les professionnels mais aussi quelques...vieilles dames, nostalgiques sûrement, à avoir, durant quelques moments, défilé dans un univers pictural atypique. La patte «légendaire» d'Issiakhem ne laisse pas insensible. D'autant plus que pour les connaisseurs- que nous avons interrogés s'accordent, unanimes, à reconnaître quelques aspects jusque-là inconnus du peintre. Le président de l'Unac est le premier à s'émerveiller et il n'hésite pas à le dire tout haut: «C'est la première fois que je vois l'auteur peindre sur des toiles de forme rectangulaire comme c'est nouveau et assez curieux de le voir utiliser la langue arabe». Il est tout à fait vrai que la diversité de la forme des toiles a été, aux yeux de plusieurs artistes, une nouvelle expression dans l'oeuvre d'Issiakhem mais dont le sens à donner reste hermétique. Son empreinte nationaliste et identitaire est mise en valeur avec la toile Gloire à nos héros. Une fresque aux couleurs ocres magnifiées par des visages fermes et résolus comme dans une guerre où seule la liberté compte. L'on sait dès lors et comme à plaisir la philosophie de cet artiste que l'Algérie officielle n'a cessé de persécuter en vain. Issiakhem était avant tout un nationaliste pour qui la peinture servait d'arme redoutable dont on a eu tout à la fois le plaisir et l'honneur de découvrir. Le mérite échoit notamment à El Djazaïr El Assima, à l'Unac et au ministère de la Culture qui ont, les trois, réussi à dénicher le savoir-faire encore inexploré d'un artiste qui, avec ses yeux perçants, ne cesse de nous intriguer et de nous interpeller.