Jeunesse Rabah, un jeune Algérois, parle de départ, d?ennui et de rêves brisés. Il n?est pas riche ni même aisé, dit-il. Il est juste pauvre, ayant à peine de quoi survivre. Il a 18 ans et a été renvoyé de l'école il y a deux ans. Depuis, il a rejoint le monde des exclus, ces milliers de jeunes qui occupent les trottoirs à longueur de journée pour essayer de survivre. Lui, il doit aider ses parents, son père retraité dont la pension ne suffit pas. Chaque jour, à 10h, il dresse sa table de fortune faite de trois cageots en plastique, il place ses cartouches de cigarettes, sa journée commence. Comme ses autres «copains», il s'approvisionne en cigarettes d'importation, françaises, américaines. «Je vais à Djamaâ Lihoud, chez des grossistes, parce que c'est moins cher. Et ainsi j'arrive à gagner jusqu'à 10 000 DA par mois», confie-t-il. Ses yeux noisette brillent sous sa casquette rouge. «Je donne six mille dinars à ma mère et je garde le reste pour mes dépenses.» Travaillant au coin de la rue de Belcourt toute la journée, ce gamin, nourri par les antennes paraboliques, peut ainsi s'offrir baskets, pantalons et autres vêtements de marque. Pour lui, réussir n?est pas forcément suivre le «vieux» modèle. Etre ingénieur, docteur, l?intellectuel de la famille. «Ce n?est plus le cas, celui que l'on envie et que l'on hait à la fois, c'est le commerçant, l'homme d'affaires qui exhibe ses biens : téléphone portable, voiture de luxe et costume de marque. Vous savez, mes deux frères aînés ont terminé leurs études, ils sont au chômage depuis trois ans. C'est moi qui leur donne de l'argent de poche. Ils sont grands et ils ont honte de vendre des cigarettes dans la rue. Pourtant, ils ont étudié et ils n?ont pas réussi ! Et moi, quand je serai grand, je vendrai, peut-être, toujours des cigarettes !», s'interroge-t-il. Comme beaucoup de jeunes, Rabah rêve d?«el-harba», partir à l'étranger pour échapper à ce quotidien morose? Partir pour vivre, mieux vivre. Partir, on en rêve tous les jours dans le café du quartier où Rabah et ses amis se retrouvent. «Moi je travaille alors que d?autres n?ont pas cette chance. Ils vivent dans des familles nombreuses, partagent parfois une seule chambre et n?ont pas de quoi se payer un café ! La classe moyenne, c?est celle qui n?est ni pauvre ni riche, vous savez, à essayer de me situer, de m?y retrouver, je crois que moi et ma famille nous ne pouvons pas l?être. Nous ne sommes pas riches, ni aisés. Nous sommes pauvres. Nous avons juste de quoi survivre.»