Héritage Le défunt a laissé une maison, mais l?essentiel des biens, les terres, est encore dans l?indivision. Les villages s?égrènent, tel un chapelet, sur les prodigieuses montagnes qui surplombent la vallée de la Soummam. Si aujourd?hui les maisons modernes sont plus nombreuses que les maisons traditionnelles, il y a encore une quarantaine d?années, c?était l?inverse. Il faut dire que la région, qui venait de sortir d?une guerre qui l?avait fortement éprouvée, était d?une grande pauvreté. Pauvre, Taous l?était. Elle a perdu son mari, Omar, tombé au Champ d?honneur, et la maigre pension de veuve de guerre qu?elle percevait ne suffisait pas à la nourrir et à nourrir ses six enfants. Des enfants dont l?aîné, Tahar, avait à peine une quinzaine d?années. Le défunt a laissé une maison, mais l?essentiel des biens, les terres, est encore dans l?indivision. Omar a acheté, avec son propre argent, un beau terrain sur lequel il pensait construire une nouvelle maison, mais, à sa mort, ce terrain est inclus dans le patrimoine commun. ? Mon Dieu, pleure Taos, si seulement le partage avait été fait du vivant de mon mari ! Mes beaux-frères, à présent, ne manqueront pas de me dépouiller et de dépouiller mes enfants ! Tahar essaye de la rassurer. ? Ne crains rien, je serai présent quand le partage se fera ! Je réclamerai la terre que père a achetée ! ? Hélas, mon pauvre petit, tu ne pourras rien contre tes oncles, ce sont des personnages voraces, qui n?hésiteront pas à s?emparer de tout ce qu?ils pourront ! ? Eh bien, dit Tahar, le partage n?aura lieu que lorsque je serai adulte ! Mais c?est compter sans ses oncles qui décident brusquement d?effectuer le partage. Ils n?avertissent même pas la veuve et les orphelins qui apprennent la nouvelle par des tierces personnes. Tahar va retrouver son oncle aîné, Belkacem, et lui parle du partage. ? Ce n?est pas ton affaire, lui dit-il, tu es trop jeune pour parler de ce genre de chose ! ? Je vais avoir quinze ans mon oncle, je suis un homme ! L?oncle le toise. ? Toi, un homme ? Laisse-moi rire ! ? Je veux participer au partage, c?est mon droit ! ? Et pourquoi insistes-tu tant pour assister au partage ? Tu nous soupçonnes, mes frères et moi, de vouloir te dépouiller ? Tahar baisse les yeux. ? Non, mon oncle. ? Tu vois, ta présence n?est pas nécessaire?Mais tu pourras te tenir à distance, dès que le partage sera fait, on t?appellera pour te dire quelle est la part qui revient à ta famille ! Je crois que la proposition que je te fais est honnête. ? Mon oncle? Tahar veut parler du terrain que son père a acheté. ? Quoi ? dit l?oncle en roulant des yeux ? Rien, dit le petit intimidé. Il retourne chez lui, le c?ur gros. Le partage est prévu pour le lendemain. (à suivre...)