L'avenir du photojournalisme, dont la mission première était de témoigner et d'être publié dans la presse, se trouve-t-il aux cimaises des galeries ou des musées ? Les professionnels se sont posé la question à l'occasion d'un débat organisé à Perpignan dans le sud de la France lors du 17e Visa pour l'image par la prestigieuse agence Magnum. Expositions, ventes aux enchères ou en galeries, offrent de nouveaux débouchés aux professionnels face à une désaffection de la presse. Mais certains y voient un risque d?y perdre leur métier et un problème moral. «Nous sommes à une période charnière: avec quel diable devons-nous travailler, la presse ou la galerie?», s'est interrogé, provocateur, le photographe Raymond Depardon, lors du débat. Vivier de grands noms du photojournalisme comme Eliott Erwitt, Josef Koudelka, Marc Riboud, Martine Franck, la coopérative Magnum a été divisée dès le début, a rappelé David Alan Harvey, entre «un Robert Capa, photographe documentaire classique, et un Henri Cartier-Bresson, beaucoup plus influencé par les peintres». Point de départ de la discussion: en Afghanistan, Luc Delahaye a réalisé de très grands tirages, ensuite exposés à New York, vendus 15 000 dollars. Cet ancien de Magnum ne se définit plus comme photojournaliste, mais comme artiste. «Les gens qu'il photographie sont persuadés qu'il fait une photo pour dénoncer l'injustice, la guerre, pour témoigner, et ces photos vont se retrouver au-dessus de la photocopieuse d'une société», déplore Raymond Depardon. «Peut-être ce problème moral est-il dépassé... Paris-Match (un hebdomadaire français, ndlr) est-il plus moral qu'une galerie? Non, sans doute non»s, ajoute-t-il. Il cite le cas de Sophie Ristelhueber, qui, selon lui, procède d'une démarche différente. Elle photographie les champs de bataille vides du Koweït sans demander le statut spécial du reporter. «Son travail n'est pas gênant moralement», souligne-t-il. «La seule chose qui me questionne est la photo de guerre, un problème moral», assure Raymond Depardon. Selon un participant, «galerie ou musée ne posent problème que lorsqu'ils sont le but premier de l'image», le commanditaire.