Résumé de la 2e partie n Les deux «belligérants» sont allés jusqu?au bout de leur logique. Le «duel au poison» avait fait craquer Jane ? l?enjeu de cette épreuve ? qui supplia son époux de rester en vie. Etait-elle sincère ou alors... «Je t'en supplie, Marc, tu dois accepter mon offre. Si tu mourais, je n'aurais plus qu'à mourir moi aussi. La vie n'a aucun intérêt sans toi... Je t'aime, Marc, je t'aime...» Ce que l'auteur avait voulu «comédie» tourne soudain à la tragédie antique. Malgré toute la rancune et l'humiliation qui lui rongent le c?ur, Marc se sent envahi par une immense tendresse. Ce regard, cette voix ne peuvent être que le reflet de la vérité profonde. Il est des signes qui ne trompent pas, et d'ailleurs quel intérêt aurait-elle à lui jouer cette comédie, puisque le sort est équitable pour les deux antagonistes ? Une bouffée de bonheur envahit le c?ur du vieil homme. Cet épisode, digne d'un mauvais mélo, lui aura au moins appris que Jane tenait sincèrement à lui. Jamais il ne l'aurait soupçonné. «Quel sera ton verre ? ? Un de trop semble à présent mieux convenir que l'autre.» Jane demande alors à son mari d'aller à son tour dans le couloir dire à Pierre qu'elle voudrait le voir lui aussi quelques instants. «Je voudrais le rassurer quant à ma neutralité. Il ne faut pas qu'il se méfie de quoi que ce soit.» Dans le couloir, Marc sent un trouble profond l'envahir peu à peu. Ce qu'il prenait pour une simple plaisanterie a pris des proportions insoupçonnables. Il a presque honte d'avoir triché au départ. Il en vient presque à regretter d'avoir mis un peu d'eau salée dans la fiole plutôt que du cyanure. Il a, un instant, envie de tout arrêter, de dire la vérité, d'éviter la peur ignoble que le goût amer de ce soi-disant poison va provoquer chez ce pauvre petit don juan de province qui, au seuil de la mort, fait preuve d'une grande dignité. Il est vrai qu'il croit avoir 50% de chances de s'en sortir. Il en est là de ses réflexions lorsque la porte du bureau s'ouvre, laissant passer Pierre qui la referme derrière lui. En pensée, le vieil homme imagine les gestes de Jane... elle verse le contenu de la fiole à poison dans le verre Cornuto, prend la carafe d'eau et en verse la même quantité dans le verre Un de trop... A présent, elle met du porto dans chacun des verres. «Vous pouvez entrer...» Les deux hommes sont à nouveau dans le bureau. Jane, le visage impénétrable, invite son mari à choisir le verre qu'il désire. Elle commande à Pierre de prendre l'autre... «Comme elle joue bien la comédie, pense l'auteur. Qui pourrait imaginer (à part moi) qu'elle sacrifie son amant pour moi ?» Marc lève son verre d'une manière un peu ostentatoire. «A la santé de Jane.» En se regardant dans les yeux, les deux hommes vident d'un seul trait leur verre de porto. Marc regarde intensément le visage de son jeune rival pour apprécier la grimace qu'il va faire en goûtant la saveur particulièrement âcre du «poison». Quelle tête fait un homme qui se croit empoisonné ? Mais... que se passe-t-il ? Quel est ce goût bizarre qui lui colle la langue au palais ? quelle est cette saveur amère qui lui brûle l'estomac ? C'est comme si une main invisible avait salé son porto... Le porto salé !... Mais alors ? Comme dans un film au ralenti, Marc Ulmer voit Jane prendre la main de son jeune rival et la serrer dans les siennes. Alors, tout à coup, il comprend... il devine qu'il a été possédé comme un enfant ... pour être certain de se débarrasser de lui ! Comme il regrette de n'avoir pas bu réellement du cyanure... Il y a de ces moments, dans la vie, où l'on voudrait voir le sol s'ouvrir sous ses pieds...