Si cette ville revient sur le devant de la scène du quotidien des habitants du Grand Alger à chaque ramadan, c'est bien grâce à cette confiserie indétrônable que les Boufarikois préservent jalousement et dont ils se transmettent la recette de père en fils. Seul le moment béni du f?tour viendra leur permettre un bol de chorba et d?oxygène après une journée d?enfer dont ils sortent les visages noirs de sueur. Mais le f?tour, ce n?est qu?un petit intermède, car il faut impérativement penser au lendemain. «Oui, après, il faut penser au lendemain», assure-t-on du côté de cette ancienne famille boufarikoise. La pâte est évidemment préparée la veille pour donner le lendemain, une fois trempée dans le miel travaillé, des senteurs délicieusement épicées. A Zniket Larab, la vie est une éternelle effervescence. On presse le pas pour remplir le couffin, on évite les pickpockets. Le marché est plein à craquer. Toutes sortes d?olives agrémentent une table superbement garnie. Le pain est proposé sous plusieurs formes et à différents prix. Mais le pain travaillé à la maison, dit communément «matlou?e», fait des émules. Là où la peur planait toujours au-dessus de la plaine. On stationne comme on peut et dans tous les sens pour s?en procurer. Mais à tout seigneur tout honneur, Boufarik est avant tout connue pour être la mecque de la zlabia. Deux familles y entretiennent une tradition vieille de plus de 12 ans. Ces deux familles sont citées lorsqu?on évoque la zlabia, un acronyme dont on ne connaîtra peut-être jamais la signification tant le mystère sur l?origine de cette pâte cuite et mielleuse reste entier. Aksil et Chenoune sont les deux «dynasties» qui, dans leurs boutiques ne payant pas de mine, produisent à profusion cette pâtisserie à la forme étrange d'un serpentin orangé. Chez les Aksil, c?est toute la maison familiale qui devient l?échoppe : un grand pétrin, six bouteilles de gaz butane, huit poêles allumés et un travail de fourmi mené par tous. Le travail de la zlabia est inculqué même à la nouvelle mariée de la famille. Tout le monde mène sa tâche avec minutie, bravant la chaleur suffocante de la cuisson. «Les gens défilent chez nous par centaines, achetant par kilos entiers», affirme Aksil père, qui, à près de 75 ans, ne sait rien faire d?autre. Ses enfants ont appris le métier, la relève est ainsi assurée. A quelques mètres de là, une autre famille, les Chenoune, fait parler son label. Le belvédère fait office de grand laboratoire. C?est ici, à partir de 5h, l?heure de l?Imsak, qu?«el-hadja» et ses cinq filles commencent le travail. L?entonnoir est manié avec tact et finesse par l?une des filles. L?autre ne chôme pas. Une fois les baguettes cuites, elle les rince à l?aide de longues pincettes dans un profond tonneau plein de «assila», du miel «retravaillé» avec de la fleur d?oranger et surtout une grande quantité d?eau. Mais la vieille zlabia boufarikoise a des rides qu?elle ne peut effacer.