Résumé de la 15e partie n Lors de la réception offerte par Zoumourroud, qui se fait passer pour le roi, l?un des convives suscite la réprobation par son manque d?éducation. Mais Barssoum lui jeta un regard de mépris et lui cria violemment : «Ah ! maudit mangeur de haschisch, ce noble mets n'est pas fait pour ta mâchoire ; il est destiné au palais des émirs et des gens délicats !» Et il s'apprêtait à plonger ses doigts dans la délicieuse pâte quand Zoumourroud, qui l'observait depuis un certain temps, le reconnut et dépêcha vers lui quatre gardes, en leur disant : «Courez vite vous emparer de cet individu qui mange du riz au lait et amenez-le moi !» Et les quatre gardes se précipitèrent sur Barssoum, lui arrachèrent des doigts la bouchée qu?il s'apprêtait à avaler, le jetèrent la face contre terre et le traînèrent par les jambes devant le roi, au milieu des spectateurs étonnés qui cessèrent aussitôt de manger en se chuchotant les uns aux autres : «Voilà ce que c'est que de faire le glouton et de s'emparer de la nourriture d'autrui !» Et le mangeur de haschisch dit à ceux qui l'entouraient : «Par Allah ! J'ai bien fait de ne pas manger avec lui de cet excellent riz à la cannelle ! Qui sait la punition qui va lui être infligée ?» Et tous se mirent à regarder attentivement ce qui allait se passer. Zoumourroud, les yeux intérieurement allumés, demanda à l'homme : «Dis-moi, toi, l'homme aux mauvais yeux bleus, quel est ton nom et quel est le motif de ta venue dans notre pays ?» Le chrétien qui s'était coiffé du turban blanc, privilège des seuls musulmans, dit : «O notre maître le roi, je m'appelle Ali et j'exerce le métier de passementier. Je suis venu dans ce pays pour exercer mon métier et gagner ma vie du travail de mes mains !» Alors Zoumourroud dit à l'un de ses petits eunuques : «Va vite me chercher ma table de sable divinatoire et la plume de cuivre qui me sert à y tracer les lignes géomantiques !» Et, son ordre aussitôt exécuté, Zoumourroud étendit soigneusement le sable divinatoire sur la surface plane de la table et, avec la plume de cuivre, y traça la figure d'un singe et quelques lignes de caractères inconnus. Après quoi, elle réfléchit pendant quelques instants, puis releva soudain la tête et, d'une voix terrible qui fut entendue de toute la foule, elle cria au misérable : «O chien, comment oses-tu mentir aux rois ? N'es-tu point chrétien et ton nom n'est-il pas Barssoum ? Et n'es-tu donc pas venu dans ce pays pour te mettre à la recherche d'une esclave volée par toi dans le temps ? Ah chien ! Ah maudit ! Tu vas tout de suite avouer la vérité que vient de me révéler si clairement mon sable divinatoire !» A ces paroles, le chrétien terrifié croula sur le sol, les mains jointes, et dit : «Grâce ô roi du temps, tu ne te trompes pas ! Je suis, en effet un chrétien et je suis venu ici dans l'intention de ravir une musulmane que j'avais volée et qui s'était enfuie de notre maison !» Alors Zoumourroud, au milieu des murmures d'admiration de tout le peuple qui disait : «Ouallah ! Il n'y a pas dans le monde un géomancien liseur de sable comparable à notre roi !», appela le porte-glaive et ses aides et leur dit : «Emmenez ce misérable chien hors de la ville, écorchez-le vif, empaillez-le avec du foin de mauvaise qualité et revenez clouer cette peau à la porte du meïdân ! Quant à son cadavre, il faut le brûler avec des excréments desséchés, et enfouir ce qui en restera dans la fosse aux ordures !» Et ils répondirent par l'ouïe et l'obéissance, emmenèrent le chrétien et l'exécutèrent selon la sentence que le peuple trouva pleine de justice et de sagesse. (à suivre...)